Le deuxième ouvrage en lecture de C. Rovelli possède un guidage de lecture aussi maître de son récit que L'ordre du temps. C'est dans Par-delà le visible que la gravité quantique trouve à s'étendre avec un maximum de puissance pour faciliter l'accès à la réalité du monde physique.

Sur Nulle Part ont déjà été démontrées les techniques d'écriture très abouties de l'auteur pour promouvoir en notre lecture un maximum d'occasions de prises d'appui pertinentes sur le réel physique adéquat. Je n'y reviens pas.


Préambule

« Nous commençons à entrevoir que [l'espace courbe] est tissé de grains quantiques qui vibrent. » 8

Puis-je dès lors dire que l'espace courbe est un tissu vibrant assemblant des grains quantiques qui lui transmettent cette vibration ?

Il émerge de « ce que nous avons appris sur le monde physique au cours du XXe siècle UNE STRUCTURE ÉLÉMENTAIRE DU MONDE où n'existent ni le temps ni l'espace mais où pullulent les évènements quantiques.

Des champs quantiques dessinent

  • l'espace,
  • le temps,
  • & la lumière

en échangeant des informations d'un évènement à l'autre.

La RÉALITÉ est un réseau d'évènements GRANULAIRES. La dynamique qui relie [ces évènements granulaires en réseau] est probabiliste: entre un évènement & un autre,

  • l'espace,
  • le temps
  • la matière
  • & l'énergie

sont dissous en une nuée de probabilités. » 8

La physique théorique s'efforce de rendre cohérent ce que nous avons compris du monde à travers

  • la relativité générale
  • & la théorie des quanta

en étudiant le principal problème de la physique fondamentale, [à savoir] LA GRAVITÉ QUANTIQUE.

Ce livre est consacré

  • à la gravité quantique
  • & au monde étrange que cette recherche commence à nous ouvrir.

Au terme du préambule, vous n'avez pas envie de poursuivre votre lecture, vous ? Moi oui...


La façon dont l'auteur conduit son récit, car c'en est un, tient compte des grandes étapes que la science a franchies dans l'histoire en faveur d'une meilleure compréhension de la manière dont "le monde" est organisé. La ligne de conduite est tout entière contenue dans la table:

 


Le balisage en quatre parties et treize chapitres suit la progression de mieux en mieux précisée de notre compréhension du monde. Démocrite est enraciné dans cette histoire des sciences. Il est d'ailleurs frappant de constater combien la connaissance de l'auteur sur l'état des sciences avant notre ère est pointue chez lui. C'est en véritable spécialiste qu'il nous livre les principales découvertes antiques. L'initiation en tant que lecteurs est passionnante. Aucune tendresse pour la période noire de la remise au pas par la chrétienté triomphante au cours du haut moyen âge, avec la reprise en main progressive des savants – & des philosophes – dès la renaissance, parfois au péril de leur vie d'ailleurs, le tribunal de l'inquisition jamais loin. La veille vigilante sur l'état des connaissances peut alors reprendre un cours interrompu pendant trop longtemps.

Notre compréhension se construit progressivement au fil de la lecture. Certains passages, l'accompagnement de l'auteur est plein de prévenance à ces endroits-là du récit, sont plus ardus que d'autres. Les cordes de rappel sont nécessaires; les relectures à tête reposée aussi. Le paradigme de l'intégration progressive au coeur de la matrice de cette nouvelle lecture du monde nécessite une forme d'effort bien rétribuée en cours de lecture. Des idées se mettent en place, des grains, des courbures, des spins, des boucles finiront bien par faire sens, à force d'être fréquentés !

Ce spécialiste mondialement reconnu de la gravité quantique rétribue l'effort (la pulsion, la tendance... le conatus spinozien) qui tend à intégrer les résultats de notre compréhension au coeur même d'une image modifiée de la réalité à la fois visible, mais surtout invisible.