L'univers clos, étouffant de l'omnisciente psychiatrie, face aux humains transformés en baleines, c'est dans l'bouquin, par les diverses camisoles, entre autres chimiques.
Mise à l'isolement, Mira, 28 ans, une visite par semaine après sa tentative de suicide: durée une demi-heure.
Le luxe, quoi.
& un rattrapage philo sur l'urgence à naitre, c'est pas dans l'air du temps ou quoi ?
D'une plume concise, aucun gras sur elle, cette plume trempe dans une encre si glauque pourtant.
L'autrice ne dénonce pas; elle rend compte.
C'est bien pire, assassin même pour le pouvoir exhorbitant que s'octroie cette "médecine"-là sur les corps qui atterrissent là.
Bien malgré eux souvent.
Des règles draconiennes dépersonnalisantes.
Les pensionnats catho des années cinquante, de la petite bière à côté.
Un totalitarisme digne du pire goulag soviétique.
Comment peuvent-ils, comment peuvent-elles se regarder dans un miroir, en se rasant, en se maquillant ?
Réquisitoire glaçant, l'ouvrage assène.
"On" en prend pour son grade.
Pourquoi tant de souffrancs imposées alors que déjà la détresse humaine est maximale.
C'est pas plutôt de la chaleur humaine qu'ils leur faut ?
Cette suffisance, cette certitude à détenir toute autorité, tout pouvoir.
La sacro-sainte décharge, ils y tiennent.
Qu'en pensent les ligues de droits humains de pareils traitements inhumains, dégradants, attentatoires à la dignité humaine ?
Pinochet, au secours ! Ils sont devenus fous !
Et si encore les patients qui leur sont confiés allaient mieux à la sortie.
Mais ça se saurait, non ?
Le fils, 23 ans, Claudy, est schizo, lui.
C'est d'sa faute, "on" lui dit, à la mère:
il EN a tant fumé.
Il en ressortira accro aux neuroleptiques.
C'est mieux, ça ?
Ah ben oui, forcément: troquer la mafia pour le big pharma !
La belle affaire.
Incontestable, le progrès.
Taux de récidives dans les tentatives de suicide ?
Ah, pardon !
C'est pas la question.
Où avais-je la tête !
Comment voulez-vous ne pas vous sentir coupable, en plus, vous, la mère; vous le père de ces enfants adultes ?
Tout est saturé de non-dits, dans cet univers-là, Monsieur.


La collection dans laquelle l'ouvrage est publié: La sentinelle.
Ceci en décrit succintement l'objet: « Une attention particulière aux histoires et parcours singuliers de gens, de lieux, mouvements sociaux et culturels. » Celui-ci, vous le lâcherez pas quand aurez commencé à lire.
J'ai pas tout faux, quand même. Beaucoup de mes révulsions face à la psychiatrie of course dans cette chronique de livre d'une mauvaise foi crasse ! Mais quand même hein...
La présentation de l'ouvrage sur le site de l'éditeur est forcément plus nuancé... : « Une allée est au centre de ce texte. Une allée sur laquelle vont et viennent des familles et des proches qui rendent visite à des patient·es dans un hôpital psychiatrique. Au bout de cette allée, se trouvent des jeunes qui décompensent, tout comme ces baleines échouées, égarées par le bruit du monde.
Confrontées à leur propre douleur, à leurs propres difficultés, toutes ces familles forment néanmoins un ensemble, un «troupeau», lit-on.
Sur cette allée, théâtre d’ une histoire qui oscille entre espoir et résignation, on va et vient, comme dans un mouvement pendulaire, accompagnant les allers et retours de celles et ceux qui nous livrent, au fil de leurs visites, la mesure de la solitude dans laquelle chacun·e se trouve au quotidien. » Il s'y lit tellement plus, au détour de l'allée. (Ah oui, question marketing éditorial, chapeau ! Le créatifs ont fait fort, pas dans la dentelle si vous voyez c'que j'veux dire: éditions La contre allée & Une allée est au centre de ce texte. & c'est pas tout: deuxième phrase, allée. Quatrième, allée. Allez quoi !)

En plus, dans la bio de l'autrice, ceci: « Après quelques années de travail en hôpital psychiatrique, une formation psychanalytique et une formation à l’animation d’ateliers d’écriture (Paris, Elisabeth Bing), elle a fondé l’association Aganippé, au sein de laquelle elle anime des ateliers et des formations de création littéraire. »
Elle connait de l'intérieur, en plus. Une plume informée.