Le Tchouang-tseu constitue le sujet de plusieurs ouvrages de l'auteur; vous en pourriez trouver des recensions dans ce recueil même: ils s'intitulent

Cet ouvrage-ci, édité pour la première fois en 2022, ajoute une pierre à l'édifice en se concentrant exclusivement sur le deuxième chapitre des trente-trois que compte cet ouvrage célèbre en Chine. J. F. Billeter le confronte à la philosophie telle qu'il a exposée dans Le propre du sujet qui retient aussi l'attention sur Nulle Part: y est d'ailleurs consacrée Une appropriation épurée. Elle est susceptible d'éclairer un chemin propre.

La langue écrite (éditions Allia) et parlée (France Culture) de J. F. Billeter est claire, limpide même. Pourtant, même avec cette langue, le besoin de reformuler se fait sentir. Une raison possible est abordée dans Le propre du sujet: certains amis lui « reprochent d'être exagérément bref. Je leur réponds diversement:

  • qu'on écrit trop ou
  • qu'il y a tant de développements à faire que je préfère m'abstenir ou
  • que j'ai besoin de la concision pour être certain que je tiens le point sûr. Ou plutôt,
  • Mais il y a autre chose.

Je voudrais moins raisonner que communiquer une vision. » Il souhaite faire naitre dans l'esprit du lecteur la vision qu'il voudrait leur communiquer. Cette concision, l'auteur la préfère aux développements. La deuxième partie s'intitule d'ailleurs la grande vision.


[J'achève (ce 29 6 22) une lecture annotante, reformulante & réorchestrante confiée à mes carnets 200 &201. L'ensemble des enseignements est ainsi dé-robé de la stylistique propre à l'auteur/traducteur tout en conservant l'idée nue arrangée de façon syntaxiquement directe. Il en résulte ce qui m'apparait utile à faire l'objet d'une intégration personnelle; se révèle un message limpide dans sa nudité même. Le paradigme de l'intégration a été élevé par l'auteur au rang de principe directeur possible d'une vie. Je mettrai une semaine à peaufiner cette reformulation/réorchestration au long court. Version stabilisée le 7 7 22. Il faut aussi savoir s'arrêter & passer à autre chose...]


« Je voudrais

  • non pas discourir
  • mais faire voir. »

... « Je place la vision au-dessus du discours ».Il préfère de très loin la vision sur « l'image qui prolifère & envahit aujourd'hui nos vies [car l'image] n'est

  • pas seulement le contraire de la vision
  • [mais] elle tue la vision, comme elle tue la pensée.  »

Une brièveté visionnaire en quelque sorte.

Ce Court traité comporte 23 paragraphes qui se répartissent en trois parties.

Mes apartés figurent entre crochets & s'impriment de bleu.


TABLE DES MATIÈRES
COURT traité du langage & des choses
3 parties, 23 paragraphes & 77 pages
Première partie
Brève scène initiale
§1 à 3
Deuxième partie
La grande vision
§4 à 14

Troisième partie
Ce qu'il a appris sur

  • la réalité,
  • les choses &
  • le langage.

§15 à 23


Dans la BRÈVE SCÈNE INITIALE (première partie), un maitre est interrogé par celui qui est à son service: le premier s'est lentement vidé de son souffle. Le second l'interroge: peut-on vraiment rendre son corps semblable au bois mort ? Le maitre lui répond en évoquant les flûtes de la Terre et du Ciel.


Deuxième partie: LA GRANDE VISION

§4 Le vent est le souffle qu'exhale la grande masse. Quand il se lève, toutes les cavités se mettent à résonner. Le creux des arbres géants ressemble à

  • des narines,
  • des bouches,
  • des oreilles,
  • des godets,
  • des gobelets,
  • des mortiers,
  • des bassins,
  • des fosses

& cela

  • gronde,
  • & gémit,
  • & mugit,
  • & rugit,
  • & râle,
  • & murmure,
  • & hulule,
  • & pleure.

Quand la brise souffle, petite est l'harmonie; quand l'ouragan souffle, l'harmonie est grande.

& quand les rafales cessent, LES CAVITÉS SONT VIDES. À ce moment, les arbres se balancent & frémissent.

[Deux questions me restent:

  1. Une rafale peut être bourrasque (la brise) ou tourmente (l'ouragan). Les cavités se vident-elles de la même manière dans les deux cas, selon Tchouang-tseu ?
  2. Par ces balancements & ces frémissements, les arbres manifestent-ils une forme de plaisir qui s'accompagne d'une résonance propre ?]

§5 La musique du ciel souffle d'innombrables manières & fait que chaque être résonne selon sa propre nature.


§6 Qui souffle ? Qui est le souffleur ? Qui donc suscite sans jamais se fatiguer CE DÉBORDEMENT DE JOIE ?

[Les vents débordent de joie donc. Vus ainsi, les apprécier en direct - hors vents déchainés - constitue un plaisir.]

[Annonce micro et sur panneau défilant: Une climatologue est demandée à l'accueil... Auprès d'elle, la circulation des vents autour de notre planète s'éluciderait sans doute avec davantage de précision, notamment sur les effets très néfastes de leur ralentissement, provoqué par le dérèglement climatique, à la suite de notre présence trop envahissante sur Terre.]


§7

GRANDE  connaissance est AMPLE.
 Petite connaissance  est étroite.
 
 GRANDE parole  est LÉGÈRE.
 Petite parole insiste.

 

[L'ample contraste avec l'étroit. L'amplitude du grand connaitre contraste avec l'étroitesse du petit connaitre.

Le léger contraste avec l'insistant. La légèreté d'une grande parole contraste avec l'insistance d'une parole petite.

Le travail entrepris de reformulation syntaxique/réorchestration textuelle du paragraphe, y compris au moyen de tableaux, constitue une étape relativement neutre de début d'intégration approfondie du contenu de ce deuxième chapitre du Tchouang-tseu.]


§8 La veille & le sommeil de l'être humain

Les âmes de l'être humain se mêlent pendant son sommeil. [Pourrait-on aller jusqu'à supposer qu'elles communiquent entre elles ? Mais bien sûr, j'ignore ce que l'auteur entendait par "les âmes"... Seraient-ce les mânes, les humeurs ? Rien n'en est dit. Ces âmes appartiennent peut-être à ces zones débordantes dont les contours se cernent avec circonspection sur Nulle Part.]

Pendant la veille, le corps de l'être humain

  • s'ouvre,
  • s'attache à ce qu'il perçoit,
  • engage chaque jour son esprit dans de vains combats.

[Ces vains combats, sur lesquels l'auteur attire notre attention, il convient de les tenir à l'oeil, non ? Leur vanité dit assez leur inutilité foncière. La pertinence de plus justes combats peut constituer l'oeuvre d'une vie même. Aurélien Barrau en donne une belle démonstration dans son dernier opus lu sur Nulle Part. Il a en effet résolu de renoncer à médiatiser ses propres résistances révoltées dans les médias. Il s'en explique avec brio. Le lien vers cet opus.]


§9

Les

  • angoissés,
  • les futées,
  • les précautionneux,

sont agités par de

  • petites craintes
  • & de grandes peurs

MAIS ils/elles partent comme le coup de l'arbalète quand elles/ils tranchent entre

  • le juste &
  • le faux.

PUIS tout le monde se tait comme sous l'effet d'un serment pour préserver à chacun sa victoire.


§10

ILS/ELLES

  1. déclinent comme l'automne & l'hiver,
  2. se consument chaque jour un peu plus,
  3. sont tellement absorbés dans ce qu'ils ou elles font que PERSONNE NE PEUT LES RAMENER AU POINT DE DÉPART,
  4. sont comme dans un cercueil,
  5. se dessèchent de vieillesse &,
  6. proches de la mort, ne peuvent plus être ramené·e·s à la vie.

§ 11

À QUOI OBÉISSENT LES PHÉNOMÈNES DU MOI ?

Mais que sont ces phénomènes ?

  PHÉNOMÈNES DU MOI
plaisir colère
joie douleur
séduction  souci
   regret
   caprice
   ENTÊTEMENT
   désinvolture
   abandon
   arrogance

Ces phénomènes sortent du vide, sont des vapeurs qui se condensent en concrétions ÉPHÉMÈRES. Elles se métamorphosent devant nous jour & nuit sans que nous sachions d'où elles sortent.

Ces phénomènes, c'est par cela que nous vivons. Sans eux, il n'y aurait pas de moi.


§12

Sans moi, [je comprends aussi sans égo], ces phénomènes n'auraient pas de substance. C'est à peu près ça mais

  • nous ignorons à quoi cela obéit,
  • Comme s'il y avait un maitre
    • MAIS nous n'en voyons pas LA TRACE;
  • nous sentons la présence D'UN MAITRE,
    • MAIS nous ne voyons pas sa figure.

Un réel sans forme

Mon corps =

  • 100 joints,
  • 9 orifices,
  • 6 organes.

¿

  • Duquel suis-je le plus proche ?
  • Est-ce que je les apprécie tous également ?
  • Ai-je une préférence ?
  • Seraient-ils tous des serviteurs & des concubines ?
  • Les serviteurs & les concubines sont-ils/elles capables d'établir un ordre entre eux ?

[Il sera intéressant pour soi de soumettre certains de ces joints / orifices / & organes à chacune de ces questions; si les orifices sont aisément identifiables, les organes (que la tradition chinoise semble distinguer des viscères, & les 100 joints le sont par contre moins. Dans un des ouvrages qu'a traduits Catherine Despeux figure une liste d'organes; je feuillèterai à l'occasion...]

Peut-être que chaque serviteur/chaque concubine gouverne les autres à son tour

OU BIEN

peut-être qu'il y a un maitre quelque part... [qui ne serait ni serviteur ni concubine].

Que je comprenne ou non ne changera rien à l'action des phénomènes (§11).


§13 & 14

 RECEVOIR
§13 §14
Sa forme faite son esprit fait
  & y rester attaché jusque la fin. Chacun va

 - se heurtant,
 - s'usant contre les choses,
 - s'épuisant en un galop que personne ne peut arrêter.

N'est-ce pas lamentable ?

 

Chacun va, chacune va se démenant leur vie durant, sans aucun résultat ? À quoi cela leur sert-il ?

Le corps s'en va. Leur esprit aussi. Est-il possible que LA VIE soit UNE CHOSE aussi stupide ? [ En étant devenue une entropie déréglante, déstabilisatrice.[


§14

Il ne s'agit pas simplement pour chaque être humain de suivre son esprit fait & d'en faire son autorité. CAR cela signifierait que chaque être humain aurait la sienne en propre, d'autorité.

 Il s'agit de comprendre puis de savoir que TOUT CHANGE.

MAIS celui qui sait que tout change n'est pas le seul à avoir un esprit. Le premier venu a une autorité tout comme lui. Cette autorité leur permet même de considérer que quelque chose qui n'existe pas existe. [Cette chose qui n'existe pas semble ressortir du premier genre de connaissance définie par Spinoza sous l'étiquette imagination.]

[On est au coeur de l'entêtement que deux auteurs ont placé au coeur d'un ouvrage récent intitulé When bad things happen to good people.]

Fin de la deuxième partie intitulée LA GRANDE VISION.


§15

S'ouvre ici la troisième partie à ce que le Court traité va nous apprendre sur

  • la réalité,
  • les choses,
  • le langage.

Parlons-nous de quelque chose quand nous parlons

ou

Ne parlons-nous jamais de rien ?


§16

TROIS QUESTIONS:

  1. Comment se fait-il que
    • la réalité s'occulte &
    • que naissent les oppositions entre
      • le vrai &
      • le faux ?
  2. Comment la réalité peut-elle s'en aller et ne plus être là ?
  3. Comment le langage peut-il être là & ne correspondre à rien ?

§17

Réponses à

la Q1: Les vues particulières occultent la réalité.

la Q2: Le langage s'occulte sous sa propre floraison: c'est ainsi que se développent les querelles

  • [par exemple] entre les confucianistes & les mohistes OÙ
    • les uns tiennent pour juste
    • ce que d'autres tiennent pour faux.

ET VICE-VERSA. [& c'est ici que les querelles versent dans le vice...]

La Q3: [Pour confirmer la présence du langage, son "être là",] mieux vaut y voir clair[; à défaut de vision claire, le langage ne correspond à rien.]


§18

La Q3 est une question  de point de vue puisque le langage fait apparaitre au sage le côté vrai & le côté faux en fonction du point de vue auquel on se place[: le point de vue de l'ici & le point de vue du là]. Le sage ne suit pas le langage mais [le sage] se laisse guider par la manifestation des choses; [le sage] adapte son langage au changement [de point de vue].


§19

Un CECI est aussi un CELA & un CELA est donc aussi un CECI.

Il y a a le juste & le faux du point de vue du CELA [Premier lemme du tétralemme tel que l'a formalisé A. Berque: A / principe d'identité.]

et

il y a a le juste & le faux du point de vue du CECI. [Deuxième lemme du tétralemme tel que l'a formalisé A. Berque: NON-A / principe de contradiction.]

Le lieu où

  • NI LE CECI
  • NI LE CELA

ne rencontre plus son contraire s'appelle LE PIVOT.

[Troisième lemme du tétralemme tel que l'a formalisé A. Berque: ni A ni NON-A. / Principe du tiers exclu.]

Quand LE PIVOT disparait dans son trou (& disparait de la vue

  • À LA FOIS DU CELA
  • & DU CECI),

je réponds aux ¿ du §16 avec l'un ou l'autre [avec le ceci ou avec le cela] sans jamais être pris en défaut [puisque LE PIVOT a disparu dans son trou] & il n'y a plus de limite

  • à l'usage du juste
  • ni à l'usage du faux.
  • C'est pourquoi je disais MIEUX Y VOIR CLAIR
    • pour déloger LE PIVOT dans son trou &
    • pour mettre tout le monde d'accord.

[Quatrième lemme du tétralemme tel que l'a formalisé A. Berque à la fois A et NON-A. Principe du tiers inclus.]

 Pour rappel, voici le développement complet de ce qu'est un tétralemme:
(extrait de la terminologie mésologique dynamique du recueil consacré à Augustin Berque sur Nulle Part).

 TÉTRALEMME    PT 157
 En logique  En français  Ordre pour l'auteur japonais Yamauchi
 A  AFFIRMATION, principe d’identité: le modèle est toujours identique à soi-même.  1er lemme
 NON-A  NÉGATION, principe de contradiction: la copie n’est pas le modèle  2e lemme
 NI A, NI NON-A  BI-NÉGATION, NÉGATION ABSOLUE, principe du tiers exclu: la chôra n’est ni le modèle ni sa copie.  3e lemme
 À LA FOIS A & NON-A  BI-AFFIRMATION, principe du tiers inclus, participant de l’être sans toutefois être vraiment. Ce tiers inclus fait par ailleurs l'objet d'un site Internet développé par Monsieur C. Plouviet.
 4e lemme

§20

Refuser de vouloir indiquer par une dénomination que TOUTE DÉNOMINATION EST UNE NON-DÉNOMINATION, il convient d'indiquer cela par une NON-DÉNOMINATION.

Une même unité rassemble toutes les choses, toutes les dénominations en une même UNITÉ DE RÉALITÉ. Toutes les choses, toutes les dénominations obéissent à un principe commun: une chose nait de ce qu'on l'admet pour telle. C'est ainsi pour tout.

Le commentaire de J F Billeter sur ce paragraphe (pp. 45-46): Devant l'impuissance du langage à saisir la réalité, la pensée de l'auteur s'emballe. Dans la réalité, tout est un. Ciel & Terre, les 10.000 êtres sont des expressions courantes désignant "le monde" & "toutes choses".

[Si le langage ne peut saisir la réalité, c'est sans doute pour cela qu'il convient de confier au corps seul, au corps-conscience, le soin de poser avec à-propos quelque chose & s'arrêter sans nécessairement savoir pourquoi. Le soin de confier au corps silencieux, au corps hors langage (même intérieur) le soin de prendre une décision opportune sous le feu d'une forme d'intuition qui a vu clair sur la confiance qui est à placer dans un acte à poser (acte est une des traductions proposées pour le tao par J F Billeter notamment).]

Chaque jour suffit à se tirer d'affaire, éclairé par cet esprit qui voit clair en soi.]


§21

Les choses se forment par la division.

À peine formées, les voilà détruites.

Elles ne sont qu'un.

T-t affirme que « seul l'esprit supérieur comprend que les choses ne sont qu'un. » [/ seul l'esprit capable d'y voir clair comprend que les choses ne sont qu'un.]

[ Ce que je comprends, c'est que l'UN c'est la RÉALITÉ; Chaque chose qui se forme & est détruite

  • appartient à l'un,
  • est partie prenante du réel,

peu importe que la chose soit formée ou détruite.

Je n'aime pas l'adjectif "supérieur" pour qualifier l'esprit capable de comprendre que tout est un. Tout est un point de vue. L'esprit capable d'y voir clair est peut-être plus neutre; ce regard peut voir clair justement parce qu'il a neutrisé son regard en le détachant d'un point de vue unilatéral.]

L'esprit qui y voit clair

  • ne pose jamais rien de définitif
  • & se place dans l'activité (autre traduction de tao, la voie/le chemin) qui est ce qui fait tout communiquer
    • à l'intérieur de l'un,
    • c'est-à-dire à l'intérieur de la réalité qui est une.

[Cette communication prend place au sein du réel qui est unique; est-ce en adoptant le point de vue que le réel est unique qu'on peut toucher au but ? C'est en tout cas ce qui compte pour soi.]

Poser avec à-propos quelque chose & s'arrêter sans savoir pourquoi, c'est ce que j'appelle, dit Tchouang-tseu, être dans la réalité.

[Être dans la réalité consiste à poser avec à-propos quelque chose & s'arrêter sans nécessairement savoir pourquoi.]


§22

 Si le langage ne peut saisir le tout du réel, le corps le peut, lui. Il a cette puissance en lui, prête à se faire intarissable pour autant que le sens du devoir

  • ne l'éteigne pas,
  • ne l'ait pas atteint;

&, une fois ce sens du devoir mis sous éteignoir, il convient alors d'insuffler au corps un sens de l'écoute mâtiné d'observations répétées propices à en saisir le propos silencieux; le non-dit corporel peut parfois se faire dirimant au point même d'en diriger la manoeuvre. [Après avoir dépêtré le corps d'un sens du "devoir-faire", très différent bien sûr du respect dû à la règle commune du vivre ensemble - lois, décrets & règlements -], lui offrir ce droit-là est souvent propice, favorable, à la vie qui coule en soi.


§23

La réalité est sans frontières. Le langage est inconstant. En posant quelque part un "c'est cela", des délimitations apparaissent. Tchouang-tseu entreprend de mieux caractériser ces délimitations au moyens de verbes d'action:

[Les huit pouvoirs d'action que le sage peut avoir sur le réel]

 - 1 localiser

 - 2  circonscrire
 - 3  hiérarchiser
 - 4 juger
 - 5 diviser
 - 6 opposer
 - 7 comparer
 - 8 mettre en conflit

« Sur ce qui se passe hors du monde, le sage en a conscience mais n'en parle pas.

Sur ce qui se passe dans le monde, [le sage] fait à l'occasion des commentaires

MAIS

ne porte pas de jugements. » [4e verbe] Le sage évite d'user d'au moins un des huit pouvoirs d'action qu'il peut avoir sur le réel: le 4e, celui de juger.

Assagir: action de rendre quelqu'un plus sage, une entreprise en soi risquée, voir peu judicieuse. [Une condamnation en soi de tous les gouroutismes, ce conseil de Tchouang-tseu !]

S'assagir: action de se rendre progressivement plus sage. Seule l'action dirigée en soi-même parait empreinte de sagesse elle-même !

En n'agissant pas de manière suffisamment sage, il est facile de perdre de vue le tout « qui est la réalité que chacun porte en soi. Le tout appartient à la vision dirigée vers l'intérieur de soi. »

Son second commentaire [comment taire !] que cette traduction constitue rend compte d'un cheminement propre à l'auteur. Il nous le retrace brièvement. Retracer, c'est en quelque sorte remonter le cours de son cheminement propre. Une première étude fouillée de la majeure partie de ce texte du chapitre 2 du Tchouang-tseu est paru dans la revue Philosophie en 1994, au sortir d'un congé scientifique dont il a joui entre 1992 et 1994.

Ce texte a été repris après une révision & corrections apportées en 2010 dans son ouvrage Études sur Tchouang-tseu. Il figure au chapitre 4. Cette étude reste valable mais elle est incomplète, nous dit-il en 2022. Il la cautionne toujours.

« En désactivant puis en réactivant en soi le langage, on appréhende de mieux en mieux

  • ce qu'est notre activité propre quand elle se développe hors du langage, &
  • ce qu'elle devient quand le langage reprend.

[Cette reprise du langage, donc le langage même] « modifie instantanément notre rapport aux choses & à à nous-mêmes. Il nous est donc possible

  1. de sortir du langage
  2. & d'y rentrer
  3. & d'observer ce qui change. »

Tout ce processus a été enclenché par une question que se pose Tchouang-tseu: « Si l'on soutient que notre langage est différent du gazouillis des oiseaux

  1. peut-on établir une distinction claire entre l'un & l'autre
  2. ou ne le peut-on pas ? »

[Ceci conclut la lecture. Version stabilisée le 7 7 22.]

 

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