Si la quatrième de couverture ne vous donne pas l'envie furieuse d'en savoir plus, alors passez votre chemin...

   

Il aura fallu une brève sur le site de Livre Hebdo pour que je découvre l'existence de ce philosophe dans la semaine qui a suivi sa mort. Mettre en lumières l'apport d'une plume peut aussi être une fonction de ces avis de disparition non inquiétante (à titre personnel en tout cas). Il m'était inconnu jusqu'à son décès.

Son site apparaît rapidement comme détenteur de petits bijoux d'observation fine sur notre monde, d'un point de vue assez éloigné du vivier parisien. Ma bibliothèque de référence en avait acquis quelques ouvrages. Et zou, j'y file pour emprunter ces désastreuses prospérités...

Une heureuse rencontre: un philosophe lisible. Ils ne sont pas si nombreux !

Nous vivons une « situation d'orage qui n'éclate jamais ... [cela] pose un véritable problème. 16

« L'essentiel du malaise, de toute la tension [ressentie] à tous les niveaux de la vie collective vient de là: de la cohérsion forcée de ce qui est devenu de fait incohérent & antagonique, de l'impossible rupture. » 16

« Rompre dans une société qui déploie tant de moyens pour empêcher toute forme d'écart, d'évasion, de rupture n'est pas à la portée de tout le monde. » 16

« Le système économique & sociétal est totalitaire, plus que n'importe quel autre régime politique ou religieux. » 17

Des couvertures de feuilles de chou publicitaire & locale comme celle-ci:

recréent une Arcadie fictionnelle. Ces villages n'existent plus à l'état rural depuis longtemps. Le serrage photographique est en un parfait exemple manipulant la comm' d'ailleurs...

Une lecture plus informée sur l'état de délabrement de nos villes et anciennes ruralités se lit avantageusement dans Dérivations par exemple; la manipulation y est absente, voire dévoilée/dénoncée:

 

Dans l'ouvrage de J.-P. Curnier, il est question d'apaiser « une forme d'angoisse exaspérée » qu'il s'agira de récupérer le moment venu, électoralement.
Et d'accréditer une mystification: dans ce monde de Bambi, paissez bonnes gens... Il ne se passera plus rien. Le système marchand, bien nommé par le philosophe, continuera d'assurer les prospérités du désastre.

Des poches se rempliront peut-être même à l'abri des regards... C'est d'ailleurs la raison pour laquelle nous avons de toute urgence besoin d'une presse périodique d'investigation, d'incrustation dans le réel comme (images cliquables):

 

Jean-Paul Curnier décèle par ailleurs un « opiniâtre décervelage de masse qui a parfaitement réussi » 87

Se recommande particulièrement à la lecture, le 5e chapitre intitulé « Le monde de Bambi ». Il offre en huit pages un décodage incisif sur le monde politique, versant déclin/disparition « de toute pensée politique digne de ce nom dans les démocraties. Les formes de pouvoir évoluent en s'appuyant sur la peur, sur l'intimidation ou sur l'organisation de l'illusion ». La « vie » politique subit « une dévitalisation lente ».

Il poursuit en disant que nous sommes quotidiennement encouragés à parler de nous, de nos difficultés personnelles. Le message contenu dans cette couverture de feuille de chou publicitaire & locale est tout entier contenu dan ce que Jean-Paul Curnier dénonce avec verve et à propos. (d'après 84)

« Inutile de penser, nous sommes là pour comprendre à votre place... Tout ce qui, désormais, se présente comme civilisation en ce monde fonctionne à l'infantilisation. » 84

D'où sa recommandation reprise en quatrième de couverture: « Alors, si ce monde va aussi franchement & volontairement à sa perte, autant qu'il y aille au plus vite pour en vivre au plus vite le remplacement. Et il convient même de l'aider chaque fois que cela s'avère possible... »

L'éditeur décode d'ailleurs dans le même sens: « Les choses étant ce qu'elles sont, rien ne sert de prétendre y remédier; [...] il faut au contraire s'employer à les aggraver... »