(2010) Actes Sud, coll. Actes noirs, 192p.

Thématique big brothérienne : « les patrouilles de la trouille », ou quand des citoyens perdus dans un lotissement décident de « s’organiser pour aider la police ». Au départ, juste des commères version mâle qui veulent tout savoir sur tout le monde. En partant du principe que tout le monde est suspect, sauf eux évidemment. Rapido, dérapages en série provoqués par ce que la paranoïa fait faire à des humains peu préparés à leur état d’humain, finalement.
Et puis la presse s’en mêle, et une certaine mafia humaine qui vit en marges. Des ex- de toutes sortes reprennent du service, en quelque sorte. Il y a même un ex-prof !
Les relations entre ces terriens sont disséquées. La déglingue s’installe à mesure que les cadavres s’accumulent. Et l’imaginaire collectif entre en jeu.
Dans un style enlevé, l’auteure favorise le narratif sans s’interdire le dialogue qui soutient l’intrigue. Chaque chapitre porte le nom de la rue où l’action se déroule. Cette toponymie fleurie fait infiniment décalé par rapport à la gravité croissante des faits celés à la police. Complexité énigmatique à foison, tenant au réseau social sous-jacent que le personnage principal, lui-même patrouilleur qui a de plus en plus la trouille, n’avait pas perçu. Dénouement inattendu évidemment. Sinon ce ne serait pas un polar.
Pascale Fonteneau s’approprie un espace clos. Elle y dérègle la mécanique du temps morne qui passe sans rien de saillant. Les intimités violées de ces gens volent en éclats : la surveillance rapprochée favorise ces intrusions dans le secret des foyers. Les « surveilleurs » se font voyeurs.
Pour n’avoir pas su protéger leur part d’ombre(s) contre l’envahissement organisé de leur domaine réservé, avec leur consentement actif en plus, les habitants de ces rues aux noms fleuris s’étiolent. S’exposer ainsi au voisinage leur enlève tout mystère.
Ce roman vaut le déplacement. Originalité du thème. Galerie de portraits, on s'y croirait!
30 03 10 et 03 04 10