Une approche synthétique, sur base de cet article, a été publiée par l'Ihoes sur son site: analyse de l'IHOES 119. Elle simplifie les douze valeurs en quatre groupes principaux.

Éclairage historique à partir de la Banque Belge du Travail et de l'Union Coopérative, agrémenté de quelques conditions éthiques  d'un succès à venir

« Il vaut mieux enseigner les vertus que condamner les vices. » Baruch Spinoza

Introduction
1. Insertion sociale
2. Simplicité
3. Sécurité
4. Durabilité
5. Transparence
6. Innovation
7. Participation
8. Honnêteté
9. Inclusion
10. Sobriété
11. Diversité des différences
12. Proximité     
Conclusion: Comité d’éthique


Introduction
« Le projet New B. renoue avec l’utopie des origines: s’il faut s’organiser à l’intérieur de l’économie de marché – puisque nous y sommes jusqu’à nouvel ordre –, il n’est pas obligatoire de se laisser contaminer par ses valeurs. L’engouement rencontré par ce nouveau projet est vraiment rafraîchissant: et si un autre monde, en plus d’être désirable, était vraiment possible ? »1

Je me suis servi de la campagne médiatique extrêmement forte mise en place par la coopérative New B: ses douze valeurs fondatrices sont adossées à un argumentaire accrocheur. J’ai voulu les tester à la lumière de l’histoire d’une coopérative, l’Union Coopérative de Liège dont je dépouille – à raison d’une matinée par semaine – les archives détenues par l'IHOES2 depuis plus de trois ans, ainsi que de l’éthique qui n'est pas fort éloignée de: « Je dis ce que je fais. Je fais ce que je dis. »

Nous sommes, avec New B, dans la première phase: j’annonce ce que je vais faire. La seconde phrase invite à une vérification critériée de l'éthique mise en  place: ai-je fait ce que j’ai dit que je ferais ? Sinon, en quoi est-ce je m’en écarte ?
Bien sûr, cette banque sera aussi une banque comme une autre puisqu'elle qu'elle demandera son agréation par le  système. Les instruments bilantaires seront les mêmes que  ceux d'une banque classique.
La distanciation par rapport à ce  système tiendra au développement d'un nouveau modèle bancaire. L'avenir nous dira si c'est possible. Le système risque en effet de glisser quelques peaux de bananes sous les premiers pas de New B. Cela n'a d'ailleurs pas tardé: Luc Coene, directeur openVLD de la banque nationale, n'a pas attendu longtemps pour répliquer sur le terrain médiatique, à l'ouverture du site Internet fin mars.

La forme de  coopérative européenne comme raison sociale d’une société commerciale bancaire présuppose de favoriser les coopérateurs au lieu de certains actionnaires. La relation est strictement égalitaire, quel que soit le montant du capital investi; dans un Société Anonyme cotée en bourse, les droits de vote sont proportionnels aux actions détenues. Les petits se font écraser: ce n’est pas aux petits porteurs de certaine banque pris dans la tourmente il y a quelques années que cela doit être démontré…
New B n'a pas choisi la forme d'asbl: son but est bien lucratif. New B n'a pas choisi non plus la forme d'une SCRLFS, comme les Tournières3 par exemple. Elle n’a pas pour objet principal une finalité sociale. C’est probablement la raison d’être des douze valeurs à caractère sociétal. Elles lui permettront de se poser radicalement ailleurs parmi toutes les banques actives en Belgique.

La rémunération du capital investi (maximum 6%, de  0 à 6 donc) sera limitée afin de ne pas alourdir le « plan de vol »... La promesse proclamée de différences d'avec les banques classiques tient aussi à l'éthique. Elle se décline en douze valeurs mises en avant par la coopérative New B. Elles sont médiatisées dans un dépliant publicitaire et dans Imagine - Demain le monde n° 97, mai-juin 2013, p. 24.


VALEUR N°1. L'INSERTION SOCIALE à travers des dizaines d'associations (89, mi-mai 2013) et des dizaines de milliers de coopérateurs (41.129, le 28.5.13 à 17h40)

40.000 coopérateurs sur 11 076 847 habitants en Belgique5 représentent 3,7 ‰ de l'ensemble de la population belge. L'adhésion est remarquable mais il ne faut pas rêver non plus. « Des dizaines de milliers », quatre dizaines quoi... Le marketing débouche parfois sur un jeu de mots, censé évoquer la multitude mais il est en partie trompeur.

HISTOIRE:
La fluctuation du nombre de coopérateurs est une constante dans la vie de l'Union coopérative (UC). Le comité directeur s'en inquiète quand le nombre chute, les suit avec précision en essayant de déterminer l'un ou l'autre malaise caché. Des analyses fines (pour l'époque) sont présentées, permettant éventuellement d'inverser des chutes dans certaines régions, etc. Des comparaisons sont aussi faites avec d'autres coopératives de consommation et de production.

Dès les années soixante, l’âge moyen des coopérateurs augmente, à mesure que ceux-ci vieillissent. La plupart des enfants de coopérateurs ne le deviennent pas.

ÉTHIQUE:
Insertion sociale: il faudrait aussi parvenir à pénétrer toutes les couches sociales des déposants et des emprunteurs. C’est une gageure. La diversité des associations membres pourrait être garante d'une indépendance et d'un dynamisme porteur. L’auto-blocage interne est une dérive dont il conviendrait de prémunir la coopérative. Je n'ose même pas envisager les conflits potentiels d'intérêts ! Un sociogramme de ces 89 associations, avec les trois ou quatre « piliers » qui traversent la société belge, serait probablement parlant, et transparent. Il serait un  outil d’analyse précieux pour la direction. Les fédérer ne doit pas aboutir au plus petit commun numérateur…


VALEUR N°2. LA SIMPLICITÉ en proposant aux clients des produits et services simples à comprendre

La méfiance du citoyen vis-à-vis du système bancaire classique invite à cette simplicité. Ici la lisibilité textuelle sera aussi en jeu. Il entre dans l’intention de la coopérative de créer un comité de lecture. Un engagement écrit à le mettre  en place si la banque est créée serait indispensable: il pourrait faire partie du règlement d’ordre intérieur par exemple.  La chasse aux petits caractères qu'on ne lit jamais dans les conditions générales de vente ou d'adhésion rentre bien dans cette valeur. Il conviendrait de limiter en nombre, en exceptions et/ou en exclusions de tous ordres la portée des clauses générales.
Le plus important sera de présenter aux épargnants des produits lisibles dont le risque est précisé quant à la certitude ou non de retrouver son capital de départ et aux taux d'intérêt annuels pratiqués. Pourront-ils diverger beaucoup de ceux des banques classiques ? L’obligation légale d’établir un profil d'investisseur guidera l'offre de placements.

HISTOIRE:
Rester simple c'est aussi rester petit, à taille humaine. L’UC avait atteint une taille trop grande, surtout après la création de Coop-Sud au milieu des années 70 pour regrouper quatre coopératives socialistes wallonnes6 , une neutre7 et l’UC sous même bannière. Il semble essentiel de rester à taille humaine, sinon:
- les assemblées générales de coopérateurs deviennent d’inutiles chambres d’entérinement de décisions prises ailleurs et la démocratie coopérative n’existe plus. Jusqu’à cinq ans avant la débâcle, l’UC s’est penchée sur les manières (théoriques) de faire vivre cette démocratie coopérative;
-  les frais de personnel, ses revendications, légitimes souvent, dépassent la charge admissible; dans les comptes-rendus du comité directeur apparaissent ça  et là des références à ces frais de personnel qui augmentent de façon exponentielle;
-   l’intendance, la logistique8 prennent le pas sur l’idée de coopération: renouveler le parc automobile, assurer son entretien, mieux organiser le dépôt centralisé à Liège-Droixhe; maîtriser les coûts salariaux, mettre à disposition de nouveaux bureaux pour réunir les services administratifs en un seul endroit,
impliquant achats, frais d’aménagements etc.

ÉTHIQUE:
L'usage qui sera fait de l'argent placé doit être contractuellement précisé et attribuable. Si un coopérateur/une coopératrice souhaitait favoriser tel ou tel secteur, cela devrait lui être possible lors d'un placement. Le compte Cigale, repris par BNP PARIBAS de FORTIS, le permet.


VALEUR N°3. LA SÉCURITÉ à travers des investissements dans l'économie réelle, en Belgique essentiellement

Il faudra dire le pourcentage d'investissements relocalisés; il n'est pas gênant d'investir dans le développement du sud, bien dans une multinationale américaine, chinoise ou anglo-indienne de l'acier! Le mot  réel dans l'expression l'économie réelle doit être précisé. Il s’oppose à virtuel. Il sera par exemple indispensable d'être coopérateur (à 20€) pour pouvoir bénéficier d'un prêt. Il faut qu'être client soit un engagement, pour tous les clients ceux qui (dé)placeront leur épargne et ceux qui bénéficieront de prêts.  

Une information claire sur les crédits-ponts, crédits de soudure etc.: pourront-ils donner lieu à octroi de prêts ? Les franchisés, qui ont des frais de franchisage, sont-ils traités de la même manière que les indépendants ? Cette pratique semble courante dans le monde de la culture. New B devrait aussi prendre position. S'agit-il d'économie réelle ? La banque devra clairement marquer ses choix.  

HISTOIRE:
En 1920 Le COMPTOIR DE DÉPÔTS ET DE PRÊTS récolte et centralise les fonds des petites caisses d'épargne locales. La BANQUE BELGE DU TRAVAIL s'occupait des services financiers.

•  En 1930, LE COMPTOIR a 200 millions en caisse: il effectue des placements massifs auprès des banques et des agents de change alors que l'article 4 de ses statuts interdisait toutes les opérations de pure spéculation.
•  Fin 1930, pertes de plus de 18 millions résultait de la spéculation financière et de la crise boursière.  
•  1931: le comptoir est repris par la BBT.
•  1934 LA BBT s'effondre à son tour, avec de nombreuses banques belges.  
•  Elle fut remplacée en 1935 par COOP DÉPÔTS qui avait pour objet de surveiller et de contrôler la gestion tant des fonds d'épargne que la trésorerie des petites caisses locales.9

Ce point d’histoire concernant la BBT montre l’importance de l’éthique qui doit animer une coopérative financière. La sécurité, comme valeur fondatrice, devrait à elle seule justifier la création d’un Collège transversal d’éthique. J’y reviendrai en conclusion.

ÉTHIQUE:
Il faudra dire le pourcentage d'investissements relocalisés; il n'est pas gênant d'investir dans l'agriculture du Sud, bien dans une multinationale  américaine, chinoise ou anglo-indienne de l'acier ! La banque devra statutairement s'interdire toute action spéculative sur les marchés boursiers, secondaires etc. et faire partie du contrat de travail de tous les membres du personnel.


VALEUR N°4. LA DURABILITÉ en excluant tout produit (d'investissement je suppose) ou projet (à qui prêter) nuisible à l'environnement et [à] la société

Le terme « durabilité » n'a rien de révolutionnaire. L'écologie profonde (deep ecology) ne s'y reconnaît plus. Il est un argumentaire marketing de mild ecology, la caution vraisemblable d'une bonne gouvernance coopérative pour les associations coopératrices qui ont une sensibilité environnementale. La durabilité du capital placé par les coopérateurs et coopératrices les préoccupera certainement aussi !

HISTOIRE:
À se croire trop pérennes, beaucoup de coopératives ont été rayées du paysage économique, l’UC au début des années 1980, d’autres dans la mouvance chrétienne beaucoup plus récemment.

ÉTHIQUE:
Encourager les prêts à des sociétés commerciales organisées sous forme de coopérative serait un gage de cohérence. Pas que évidemment, mais aussi.


VALEUR N°5. LA TRANSPARENCE dans les activités de la banque

Ce terme emprunté à l'industrie du verre... a été longtemps omis par le système bancaire traditionnel. Même Triodos, Société Anonyme de droit néerlandais, a ce défaut de transparence quant à son actionnariat, notamment. Quand plus de quarante ou cinquante milles coopérateurs sont concernés, il est hors de question de les réunir une fois l'an pour s'estimer satisfaits. Il faudra observer les moyens mis en place. Comment cette transparence sera-t-elle assurée ?

HISTOIRE:
La lisibilité de l'organigramme de l'UC était assez mauvaise, vue d'en bas, pour les magasins traditionnels et les comités locaux. Ils ne savaient tout simplement pas à qui s'adresser quand il rencontrait un problème de livraison, de fraicheur, etc. C'est la raison pour laquelle, entre deux passages de l'inspecteur des magasins, ce genre de  problèmes remontait souvent au Conseil d'administration où ils n'avaient rien à faire.

ÉTHIQUE:

La transparence ne s'affirme pas, elle se démontre. Pour se démontrer, il faut qu'elle soit critériée. Le conseil d'administration ne devrait-il pas se pencher sur les conditions de cette transparence ainsi que sur des indicateurs probants, mais jusqu'où ?


VALEUR N°6. L'INNOVATION en favorisant des solutions originales pour le développement d'une économie sociale et écologique

Un « think tank » Interne à la banque devrait être mis sur pied, comme les bureaux d'études des grands syndicats, étopia, l'I.E.V., il permettrait de réfléchir à l'innovation permanente à l’invitation de la direction. Chaque solution originale, novatrice, innovante devra être mise au point et détaillée pour en arriver à disposer d'une palette d'outils adaptables à chaque situation. Il sera difficile pour New B de naviguer sur le long terme sans un CA qui est lui-même animé par la pensée divergente tout en restant dans les balises « raisonnables » pour le monde de la finance du système capitaliste. Celui-ci ne manquera pas de mener la vie dure à la petite dernière.

Sur quoi l’innovation portera-t-elle ? Les produits financiers ? Les types de prêts ? Les taux offerts ? J’ai entendu citer un exemple de conditions qui pourraient être moins arbitraires pour l’octroi d’un prêt hypothécaire. La mise sur papier de ces innovations devra avoir lieu, comme de tous les engagements verbaux entendus.

HISTOIRE:
Les administrateurs de l’UC ont tendance à ne pas rassembler sur leurs têtes les compétences utiles à une surveillance professionnelle de la gestion financière et administrative d'une grande entreprise. Personnes méritantes, mais souvent âgées, sans aucune autre expérience que celle de consommateur militant dans sa commune. Ce siège au CA représente une forme de reconnaissance. Il faudra le milieu des années 70 (et la fusion au sein de COOP-SUD) pour que l’administrateur-général de l’UC (Joseph Polet) constate que les règles d’éligibilité pour les administrateurs vont devoir être modifiées.10

« M Barchy, président du CA, se rend bien compte de ce que les problèmes actuels dépassent sensiblement le CA et que celui-ci ne peut qu'entériner les décisions prises par la direction. »  (liasse 1974, CA 23 2 74)

On attend d’eux de la clairvoyance, une bonne connaissance du terrain, à la fois bancaire et sociétal, une capacité à anticiper sur le futur, de faire preuve de prudence, voire de sagesse… et certainement pas d’avoir le regard tourné vers le passé.

ÉTHIQUE:
Plusieurs administrateurs11 pressentis émanent du monde bancaire classique12. Des experts, fortément observables ? Les investissements seront socialement responsables, mais jusqu'où ? Des experts, fort bien. Quels critères ont été utilisés pour les pressentir comme experts ? Il faut des spécialistes du monde financier, c'est essentiel. Je ne connais pas les personnes, et je ne leur fais évidemment nul procès d'intention, je me pose la question de principe. L'ingénierie financière, pour innovante qu'elle soit à éluder l'impôt, ne doit pas faire partie de l'arsenal de New B. Une banque citoyenne se comporte de façon responsable.


VALEUR N°7 LA PARTICIPATION des clients coopérateurs, qui occuperont le siège du conducteur lors des  assemblées générales

La démocratie coopérative devra jouer à plein pour que chacun ait plus que l'impression nominale d'être consulté dans des votes cadenassés par le conseil d'administration, le comité de gestion voire même dans le pire des cas l'administrateur-général s'il se révèle être un autocrate comme c'est le cas dans trop de coopératives, ceci au nom de l'efficacité de gestion...

L'expression siège du conducteur dans l’intitulé de la valeur est de l’esbroufe marketing; c’est une faiblesse. L’intention exprimée de s’atteler à la définition d’une plateforme sociale est de nature à garnir cette formule un peu creuse de contenus précis.

HISTOIRE:
Le concept de  démocratie coopérative fait l’objet de prises de position récurrentes dans les comptes-rendus du CA de l’UC. Le CA déplore en effet que celle-ci survive difficilement, voire pas du tout, quand la taille devient celle que l’UC avait prise. Un rapport de J. Namotte (bourgmestre de Herstal, membre du bureau du CA) en 1966 est honnête et éclairant à cet égard. Cette discussion reprend de plus belle en 73-74. En 74, un congrès de la fédération belge des coopératives (FEBECOOP) y est même entièrement consacré.  

Voici une tentative de définition de la démocratie coopérative en peu de mots:  
- un magasin traditionnel s’ouvre – la plupart avant la deuxième guerre mondiale -, un comité local (de 7 à une vingtaine de membres coopérateurs) épaule la gérante/le gérant dans ses tâches et discute de tout ce qui a trait à son magasin.
- Les comités locaux, après avoir eux-mêmes voté chacun en leur sein, se rassemblent une fois l’an en assemblées circonscriptionnaires pour voter le bilan financier.
- Il existe encore une assemblée générale de délégués et une assemblée du personnel, qui deviendra le conseil d’entreprise.
- Les membres du Conseil d'administration sont désignés par les régions (circonscriptions) en fonction de leur poids dans le chiffre d’affaires de la coopérative.
- Le comité directeur émane du CA et lui rend compte. C’est le véritable lieu de pouvoir. Une fois nommé, un directeur l’est jusqu’à sa pension.
- Sur papier, la chaîne de délégation de pouvoir est bien claire. Trop, probablement…
Un second concept découle de celui de démocratie coopérative:  l’association coopérative. Elle est définie comme « l’ensemble des activités non-commerciales d’une coopérative qui animent, en principe, la communauté des sociétaires et la rattache à la coopérative13.» Une direction sociale en est chargée. Elle reste même active pendant la deuxième guerre mondiale, alors que les coopératives sont mises sous tutelle  par un administrateur-commissaire allemand, dont elles doivent financer les frais de fonctionnement par ailleurs !
Les statuts de l'UC révisés en 1963 stipulent en leur article 41 que « l'assemblée générale est constituée par les délégués des sections, désignés à raison de un par 100 membres ou fractions de 100 membres. »
À titre d’exemple, une des activités non-commerciales de l’UC fut la  fédération des guildes de coopératrices. En un temps où les femmes n’avaient pas encore le droit de vote14, cette fédération était une forme d’émancipation. Actuellement, ce serait une régression. La guilde fut souvent chargée de réunir, de « dynamiser » les femmes des  coopérateurs. Elle prendra aussi en charge l’animation dans certains magasins sous forme de démonstrations d’appareils, de campagnes de recrutement, etc.  
La plateforme sociale envisagée par New B est de bon augure pour assurer une certaine fluidité dans la circulation des informations entre les coopérateurs et les décideurs détenant leurs pouvoirs à prendre des décisions des assemblées générales annuelles. Nous attendrons de savoir le contenu qui lui sera donné sur papier.

ÉTHIQUE:
Les assemblées locales qui ont lieu entre avril et fin juin  2013 sont un début de réponse; elles sont une très bonne idée, comme l’est l’appel fait à des ambassadeurs; le temps est probablement trop court pour organiser des forums locaux de coopérateurs avant l’AG de mi-juin 2013. Ils devront être formés aussi. J’ai eu la chance d’entendre le président et le porte-parole francophone parler longuement et avec fougue de la coopérative. J’y ai chaque fois appris beaucoup, et souvent trouvé réponse à mes interrogations en chambre. Cela a d’ailleurs fait évoluer cet article à plusieurs reprises !

Je suis par contre frappé par la relative sécheresse du ton employé dans les convocations aux deux premières AG, même si je comprends l’importance de se conformer aux règles en vigueur.


VALEUR N°8. L HONNÊTETÉ par le partage équilibré des bénéfices (s'il y en a !) entre les dépôts et les coopérateurs

La notion de bénéfice pour un épargnant n'a pas cours. Il s'agit d'intérêts garantis ou non. Je n'imagine pas les taux offerts pouvant s'écarter très fort des taux du marché, sous peine d'attirer beaucoup trop de capitaux et de déstabiliser le marché. Dans les débats, une confusion s’installe souvent entre « posséder des parts du capital de la coopérative », rémunérés par des bénéfices – avec un plafonnement sain à 6% - et « déposer de l’argent sur un carnet d’épargne », qui donne lieu à perception d’intérêts annuels. Ceux-ci ne pourront pas, j’imagine, diverger beaucoup de ceux pratiqués par les banques concurrentes.

Pour ceux et celles qui auront investi du capital dans New B, il conviendrait de définir une grille de répartition des bénéfices annuels à retirer par les coopérateurs, peut-être au prorata de leur participation, avec un taux 0 % pour ceux qui sont  au minimum de 20€, la part minimale d’adhésion.

HISTOIRE:
L'administrateur-général de l'UC, quel qu'il soit,  produisait chaque année une plaquette de plusieurs dizaines de pages vulgarisant bien le bilan de l'année écoulée, pour les coopérateurs qui faisaient l'effort d'assister aux assemblées générales. Il donnait des explications détaillées sur certains chiffres et sur certaines décisions prises. La lisibilité était recherchée et atteinte.

ÉTHIQUE:
Faut-il savoir lire un plan comptable normalisé pour être coopérateur ? Si c'est le cas, autant oublier tout de suite. De plus, aucune banque ne fait de réels bénéfices en Belgique, par maquillage des comptes et évasion fiscale. Cela va  de soi dans la philosophie de New B. Des garanties doivent exclure cela explicitement. Que la banque coopérative paie des impôts sur les bénéfices est normal. J’ignore techniquement les actions précises doivent être interdites pour que cela ne puisse pas arriver ? Les éthiciens bancaires devront nous dire. La citoyenneté responsable passe peut-être par là aussi.


VALEUR N°9. L'INCLUSION via l'accès aux services bancaires pour tous

Y aura-t-il des frais mensuels ou annuels à payer à la banque pour bénéficier de ses services bancaires ? Quelles conditions mettront les banques traditionnelles pour offrir l'accès au réseau Bancontact ? Visa ? Mastercard ? Il suffit apparemment d’être déclaré banque par la Banque Nationale de Belgique. Les peaux de banane glissées sous les pieds de la jeune collègue devront s’observer … et être évitées !

Le libellé de la valeur n°9 semble viser le service bancaire universel, ce qui est une bonne intention. Elle doit faire partie des préoccupations de certaines associations coopératrices. Comment organiser la solidarité entre coopérateurs pour que les plus démunis d’entre eux puissent bénéficier de services gratuits, financés par la contribution des autres ?


VALEUR N°10. LA SOBRIÉTÉ dans la gestion économique

Derrière cela se cache probablement l'absence de siège central rutilant de marbres rares mais aussi d'agences locales, comme c'est déjà le cas pour Triodos. Les associations coopératrices ont des bureaux, qui pourraient accueillir des « banquiers mobiles ». Il existe encore 21% de personnes qui ne possèdent pas Internet à domicile. Elles sont même 23 % en Région wallonne en 201115. Combien de personnes seront salariées directement par New B ? Dans quelles fonctions ? Et quel organigramme ? La tension salariale sera de 1 à 5.  À nouveau, une concrétisation de cet engagement aura dû avoir lieu par écrit.

Les coûts inévitables engendrés par la structure bancaire seront budgétés tandis que le recours à l'externalisation devrait faire l’objet de choix limités et judicieux.

HISTOIRE:
L'UC avait elle aussi progressivement externalisé un grand nombre de fonctions qu'elle assumait d'abord en interne.
Cinq exemples illustreront mon propos, il y en a d’autres:

1. la gestion directe des Maisons du Peuple – l’UC  est très souvent propriétaire des bâtiments – est progressivement cédée à la brasserie Wielemans qui y place un cafetier, quand les bâtiments ne sont pas simplement vendus;
2. les ateliers de boucherie-charcuterie ferment au milieu des années 60 pour cause de vétusté et de difficultés de transports vers un maillage dense de petits magasins qui ne passent que de petites commandes; le repreneur rencontrera les mêmes problèmes ;
3. les ventes directes du charbon ont lieu jusqu’en 1967[ Le portefeuille de clients de l’UC est alors cédé  à un vendeur privé;
4. le conditionnement et l’emballage des fruits et légumes (1969);
5. le soutirage des vins (1969).

Toutes ces mesures visaient à réduire les frais. Une course en avant perdue d’avance face au capitalisme de consommation qui s’était mis en place avec les « Grandes Surfaces ».

ÉTHIQUE:
L’éthique de la sobriété est un concept à creuser. Il provient probablement de Pierre Rabhi qui a écrit un ouvrage sur  la sobriété heureuse aux éditions Actes Sud. Il semble proche de la décroissance. Ce serait trop radical pour une coopérative qui se crée, mais en tout cas il conviendrait de préciser les critères de la sobriété sur une série de sujets: voitures de fonction, frais de représentations, frais d’adhésion à divers organismes, etc.


VALEUR N°11. LA DIVERSITÉ DES DIFFÉRENCES culturelles et sociales entre les personnes

Bien vu, notamment pour retisser des liens entre coopérateurs flamands, bruxellois, wallons et germanophones... Mais, globalement, cela ne mange pas de pain. De telles déclarations d'intention doivent déboucher sur des comportements observables. Je me demande toutefois si l’expression « la diversité des différences » est un concept pertinent. Il faudrait en savoir plus.

HISTOIRE:
Comme le rappelle aussi Henri Goldman dans son éditorial (voir note 1), les coopératives de consommation et de production sont nées dans le dernier tiers du XIXe siècle du souhait des ouvriers de se libérer entre autres de l'obligation d'acheter dans des magasins patronaux pour pouvoir  toucher toute leur paie. New B offre la possibilité de se libérer d'une forme d'asservissement aux grandes banques internationales.


VALEUR N°12. LA PROXIMITÉ avec les clients
NEW B a pour objectif d'offrir tous les services de base d'une banque ordinaire auxquels le particulier peut prétendre: les opérations sur les comptes courants et d'épargne. Les retraits d'argent dans les distributeurs Mistercash et Bancontact ainsi que toutes les formes de crédit.

La  proximité laisse planer un doute quant au sens à lui attribuer. Le sens commun, ne pas être éloigné de, vient à l'esprit. Le sens plus pointu peut aussi faire référence à des produits qui répondent aux besoins quotidiens des coopératrices et des coopérateurs.
Dans les grandes banques classiques, l’automatisation des transactions a peut-être été néfaste au maintien d'une confiance minimale dans l'institution provoquée par la dilution du lien social faible existant entre le banquier et le client. D'où cette méfiance consensuelle qui laisse « traîner » 240 milliards d'euros sur nos comptes d'épargne.  
Les machines ont remplacé les guichets pour la plupart des opérations courantes, avec les risques de « largage » d'une frange non négligeable de la population. Cela semble être une évolution peu susceptible de marche arrière.

Ne serait-il pas possible qu’en cas de problème, un épargnant voie son cas traité toujours par la même personne ? Il convient d’éviter les call centers tenus par des employés n’appartenant pas à New B (et n’en partageant pas forcément les valeurs). Lampiris, mais ce n’est qu’un exemple, finirait par avoir mauvaise presse en abusant de cette technique de contact avec sa clientèle pour traiter les litiges de facturation.

HISTOIRE:
Jadis, la proximité était physique (plus de 340 magasins au meilleur de l'UC). Maintenant, elle serait virtuelle, comme l'est la coopérative ardente ... Le monde change. En mieux ?

ÉTHIQUE:
Comment se passeront les demandes de crédit ? À quel endroit ? Le reste des transactions se passera vraisemblablement sur Internet. De l’innovant est promis.


Deux remarques en guise de conclusion: ce souci fort de l'éthique va apparemment se concrétiser dans un organe transversal  genre « comité d'éthique ». Il devrait rassembler des spécialistes de l'éthique bancaire, si cela existe; de l'éthique générale si cela n'existe pas déjà. Car une fois que le train sera lancé, les passagers devront faire confiance totale aux machinistes...  
Les critères pour choisir les membres de ce comité devront faire l’objet de toute l’attention et peut-être serait-il bon qu’ils soient soumis à une assemblée générale avant de se créer, par souci légitime de transparence.  
Par ailleurs, les missions du comité d’éthique à venir devraient être précisées avant même le recrutement de ses membres ainsi que la manière dont ses avis seront contraignants pour la direction de la banque.

L’histoire récente et plus ancienne devrait nous avoir appris la prudence. Maintenant que le capitalisme est « dans le mur »17, le temps est peut-être revenu pour les coopératives. Mais pas à n’importe quelles conditions. C'est ce à quoi je me suis attaché dans cet article.
Je suis enchanté face à ce renouveau coopératif. Au terme de cette analyse passant chaque valeur en revue, New B s’en sort par le haut.        28.5.13


1 Henri Goldman, in Politique, mai-juin 2013, n°80, p 3.
2 www.ihoes.be
3
http://www.lestournieres.be/index.php
4 http://www.imagine-magazine.com/lire/spip.php?rubrique111
5 http://www.populationdata.net/index2.php?option=pays&pid=23&nom=belgique
6  L’Union des coopérateurs de Charleroi (ayant déjà fusionné avec La Maison du Peuple de Bruxelles); Le Progrès de Jolimont;  l’Union des
coopérateurs borains à Pâturages et Les magasins généraux de Philippeville.
7  La coopérative neutre de Tournai pour ses pharmacies.
8  Création du poste « inspecteur des tournées »: « devant la diminution de certaines tournées et le manque de qualification de certains
livreurs, cet inspecteur serait affecté à la boulangerie de Seraing et aurait pour mission d'organiser et de surveiller les différentes tournées. » (liasse
1973)
9 Mémoire Ancion Guy, Université sc et techn Lille I, UER sc éco et soc, DEA Rationalisation des choix de politique économique, 1980, 158
10  « Étant donné la modification de a structure de la société, consécutive à la fermeture de nombreux  sièges, le moment va venir de
réexaminer la composition du CA. De plus en plus les administrateurs devront être les représentants de la société plutôt que de la région. Il serait
cependant normal de faire place à des camarades représentant les régions de jolimont et Pâturages. » J. Polet, adm.-gén.- CA 23 2 74.
11 Le Conseil d’administration « est [actuellement] composé du : •    Président et administrateur-délégué : BAYOT Bernard – Réseau Financement
Alternatif, •    Vice-président : BONTEMPS Marc Administrateurs :  •    BARREZ Dirk – Global Society, •    BERGAMINI Serena  - Atelier des droits sociaux, •    COLLARD Marie-Caroline - Solidarité des Alternatives Wallonnes et Bruxelloises, •    DE DEYN Erwin (démissionnaire) – BBTK-SETCA (Syndicat des employés-techniciens et cadres de la FGTB), •    DEMELENNE Anne – FGTB/ABVV, •    LEVIE François – Ateliers de Pontaury  •    VANDERCAMMEN Marc  - Trade4You, •    VAN KEIRSBILCK Felipe – Centrale  Nationale des Employés (CNE), •    VAN NUFFEL Filip (démissionnaire) – ACLVB/CGSLB, •    VAN NUFFEL Nicolas – CNCD-11.11.11, •    VERMEERSCH Christine – FairFin  •    WYCKAERT Nico – MVL-Finance, •    WYCKMANS Ferdinand - LBC-NVK (Landelijke Bedienden Centrale – Nationaal Verbond voor Kaderpersoneel) ». Source : http://www.newb.coop/fr/over-newb.aspx#administration
12 «  Parmi les nominés figure notamment l'ex-patron d'Argenta, Leon Heymans. Ce choix n'est guère étonnant dans la mesure où Argenta
est une banque de dépôt qui se concentre sur les métiers de base du banquier: la collecte de l'épargne et les prêts. [...] On trouve également dans la
liste les noms de deux anciens cadres dirigeants de la CGER et de la Générale de Banque, Roger De Sutter et Marco Citta. Ce dernier est par ailleurs
président du conseil d'administration du Réseau financement alternatif, association de promotion de l'investissement durable, qui est à l'origine du projet New B. Dans une vidéo tournée à l'occasion du lancement de New B, M. Citta explique sa vision de la future nouvelle banque. […] Dans les candidats administrateurs, on note aussi la présence de Jacques Rousseaux, administrateur indépendant de la sicafi Befimmo, qui a également été dans le passé président de la banque Crédit Agricole. »  http://blogs.lecho.be/argentcontent/2013/05/des-visages-sur-le-projet-de-nouvelle- banque.html
13 37e congrès du mouvement coopératif socialiste belge (1974), La démocratie coopérative devant la mutation des entreprises, Bruxelles, Febecoop, 41 p.
14 Ni le droit de poser des actes administratifs sans l’assistance et l’autorisation du mari. Dans un acte notarié de 1930, figure la mention Madame…, épouse assistée et autorisée de Monsieur …
15 http://www.luttepauvrete.be/chiffres_fosse_numerique.htm
16 http://www.lacooperativeardente.be/
17 Lire à ce propos Nous, on peut ! de Jacques Généreux (2011), préface de Jean-Luc Mélenchon, éd. du Seuil, 138p. Mais tout le monde ne sera
pas d’accord…