Dans le calme du soir, quand le monde fait silence, mon bien-aimé s’approche et me caresse et m’enveloppe, réclamant par là notre tendre rituel quotidien.

Docile, je m’exécute. Et j’entame la lecture. Ma voix le berce. Il s’alanguit, s’apaise lentement, s’abandonne à l’écoute. Ce qu’il entend flatter ses oreilles de seigneur. Qui peut se targuer, comme lui, d’inspirer les plus grands ?

Il incline sa tête noire, s’essaie à quelques pauses séraphiques dignes de la circonstance et contemple de ses sombres prunelles un monde parfait dont je suis exclue.

Il s’étire longuement, bâille de toutes ses dents, voile son oeil d’agate d’une laiteuse paupière, signalant ainsi la fin de séance.

Il regagne sans hâte ses appartements ; avec soin se lave dans le moelleux des coussins. Soupire, satisfait, ronronne un salut à l’adresse du poète et s’endort enfin.

Sans doute rêvera-t-il d’amoureux fervents et de savants austères.