La libre circulation de l’énergie suscite une forme d'étonnement. Les armures – cuirasses – carapaces se sont bel et bien volatilisées. Le corps s’offre à ce relâchement mâtiné de tension vers, prêt à recevoir la conduite d’une énergie circulant en son sein. L’énergie dynamique remet les compteurs à zéro, avec pour corollaire ce qui ressemble à de l’épuisement, mais n'en est pas. Ce n’est pas non plus un vide. Ou alors le vide, comme une case (de casa, la maison) ouverte un jour et qui se referme petit à petit, close par des scories s’accumulant derrière la porte1 au fil des jours. Une vacuité qu’il s’agirait de libérer périodiquement ? Dont il s’agirait de faire sauter le verrou ?

La séance fait s’ouvrir la porte close, qui se referme en cours de semaine; le corps rentre en soi-même2, comme s’il rentrait chez soi: come a casa.

Le corps se nettoie; l’énergie, en s’éveillant à cœur de corps, le nettoie plutôt. Le soir venu, ce corps exprime le vœu de rejoindre plus tôt le lit; c’est une évidence. L’état du corps s’interroge sur soi. Que ressent-il exactement ? Cette envie qui perce, est-ce de récupérer, mais quoi ? Mais de quoi ?

*

Très amusant ! Le dictionnaire livre une étymologie en rapport:
rétraction [ʀetʀaksjɔ ̃] n. f.  ÉTYM. V. 1560; « serrement de cœur »…

Nommer un phénomène peut être une manière d’augmenter la compréhension de ce qui se passe en ce corps-ci. Nommer un phénomène achève de l’identifier.

Faire se dresser l’énergie est un effort qui draine les énergies apaisées que sont souffle, parole et pensée pour les faire converger dans le cœur, sans que les organes cessent de fonctionner.

Une description précise de ce qui se déroule en soi se lit sous la plume très autorisée de L. Silburn (LS), dans La kundalinî.
LS dit aussi de la rétraction qu’elle peut résulter d’un effort ou se produire spontanément. Cela reste un effort conscient.

Définir
La rétraction consiste à intérioriser l’énergie qui, dans la vie ordinaire, s’échappe vers l’extérieur à travers les organes sensoriels.
Exemple
La rétraction équivaut au geste de la tortue qui, effrayée, contracte les membres et les rentre à l’intérieur de sa carapace.

Il est assez remarquable d’identifier ainsi dans le texte un vécu. Il s’agit de nommer un ressenti grâce au texte; il s’agit d’un nommer grâce.
S’entourer des bonnes sources est une capacité qui m’appartient en propre.

LS dit quelque part (de mémoire, je n’ai pas cherché) que cet effort débouche sur un flash d’une ou deux secondes qui épuise (pas sûr du verbe). Elle en fait une mise en garde de veiller à toujours être accompagné par un maître, ce que je suis.

Il s’agit pour le corps, au meilleur de l’énergie dressée, de vibrer dans la même période que l’univers qu’il renferme, qui l'épanouit. C’est cette vibration même qui est de l’ordre de la seconde.

Ce serrement de cœur constitue donc un effort dont il s’agit peut-être de récupérer.
Une étape bien ultérieure serait peut-être
-  que cette rétraction en soi pour aller à la rencontre de l’énergie universelle, pour s’y fondre sans s’y confondre3, s’efforce moins, veuille moins atteindre cet état de retrait
-  et qu’elle advienne davantage sans peine.
-  Que le corps veuille moins atteindre cette rétraction par un effort préférentiellement induit par volonté simple.

Avec pour corollaire possible que l’état de grâce intérieure que constitue la rétraction soit plus continu. Il semblerait, d’après J. Chambron (sa biographe) que, sur la fin de sa vie, LS ait été fort retirée en soi.

Qu’une vie soit
cheminement dynamique
est déjà une grâce.


Contingences4
En  me  saisissant du Livre tibétain de la vie et de la mort, l’index: je tombe sur voie karmique 167-170.
J’y croise une TORTUE (il en parle parce que la tortue passe la tête dans un cercle de bois une fois tous les cent ans !) puis
les PORTES DE LA PERCEPTION purifiées qui mènent à W. Blake (S. Rinpoché le mentionne) et wikipedia, consulté pour le poème, révèle aussi un livre d’A. Huxley de 19545 portant ce même titre !
Voilà une connivence d’occurrences, une série de contingences connexes, fort conniventes !

Comme si ces portes de la perception devenaient centrales.
La perception renvoie à la mésologie.
Les enchaînements se clarifient l’un l’autre.

Le  mot  PERCEPTION m’est apporté par tout ceci. Et la mésologie en ré-acquiert une certaine pertinence du même coup.
LA  PORTE qui se referme dans ma métaphore le serait par des scories amenées par des perceptions qui leurrent le corps.

Blake affirme l’unicité du corps/esprit: « first the notion that man has a body distinct from his soul, is to be expunged ». J’en suis tellement d’accord que je parle de ce corps-ci et ai gommé esprit de mon vocabulaire depuis un temps certain. Les moyens qu'il souhaite mettre en oeuvre pour abolir cette distinction sont d'un romantisme visionnaire fort teinté de christianisme, extrêmement désuet...

Comme cet infini qui apparaitrait si les portes étaient nettoyées: j'évoquerais davantage la profondeur de l'univers telle que l'astronomie nous le montre.

Aparté sur deux traductions
Portes PURIFIÉES dit une traduction très présente sur le ouaibe, mais « free from  dirt » ne nécessite pas le pur. André Gide, qui a aussi traduit Blake, dit d’ailleurs NETTOYÉES:

W. Blake: « If the doors of perception were cleansed, every thing would appear to man as it is, infinite. »
A. Gide:   « Si les fenêtres de la perception étaient nettoyées, chaque chose apparaîtrait à l’homme, — ainsi qu’elle l’est — infinie. ».

Notons en passant, ce joli glissement de portes en fenêtres… qui suggère une forme de transparence retrouvée.

Ce continuum pur/impur repose encore trop sur une forme de morale, donc de jugement moral.
Mes scories sont plus proches d’un non-jugement. Il s’agit de résidus, de matières qui restent après un processus physicochimique, comme la combustion, par exemple. Mais, les scories derrière la porte, j’en ignore [encore] l’origine. C’est une vraie question.

Pour clore sans conclure
Ce  cheminement vespéral offre une belle cristallisation de significations.
Cette cascade de contingences fait sens pour le soi qui les vit, les constate, y est attentif.
Les concepts se précipitent pour offrir du sens au corps qui questionne la validité de la métaphore dont le sens se dévoile à mesure que des contingences mettent sur sa route des concepts qui l’éclairent en faisant sens.

Être devenu disponible
à pareil souffle
est un bonheur simple.

Rouvrir sans avoir conclu…
Il y a lieu de ne pas confondre3 le corps et la case.
La séance hebdomadaire rouvre la case dont la porte se referme en cours de semaine.
Qu’y a-t-il dans la case ?
De quoi la case est-elle le nom ?
La case a-t-elle pour nom l’univers ?
Et les scories, n’est-ce pas plutôt dans le corps qu’elles s’accumulent empêchant le corps de faire plus continûment corps avec l’univers qui le contient ?
Et la porte, une ouverture sur le corps ?
Et si la case était l’univers ?
Et si le corps accumulait des scories résultant d’un processus physicochimique imparfait en son sein ?
Et si la séance s’occupait de confier au corps un meilleur usage de ses processus physicochimiques afin de l’ouvrir davantage et plus continûment à l’univers (la case) qui le contient ?
À force de relire et relire encore, de façon lancinante, ce texte, il livre bribe par bribe des copeaux dont l’assemblage finira bien par faire sens.

*

Quelle leçon peut-on tirer de ce qui exige
que rien
ne soit vrai ?
Ce que l’on comprend
complique ce qui est déjà décousu.
Ce que l’esprit engendre
suscite une rancœur qui va jusqu’à l’érudition.
Même
ce que l’on ne conçoit pas est un lieu
mal fréquenté.


François Jacqmin, Le livre de la neige, 1993, p. 47


1 Impossibilité de ressentir de quel côté de la porte l'accumulation se fait...
2 Ce sens, Le Robert Historique en trace l’origine à 1580; il appartient à la thématique janséniste.
3 La confusion finale peut subvenir lorsque le corps rend son dernier souffle et que les organes cessent de fonctionner.
4 Rappelons que A. Berque la définit ainsi: « La contingence se situe entre le hasard et la nécessité. Pour la contingence, Les choses pourraient toujours être autrement qu’elles ne sont, mais elles sont concrètement ce qu’elles sont en fonction d’une certaine histoire &d’un certain milieu, qui ont du sens pour & par un certain interprète qui est un sujet individuel ou collectif. Pour définir le lien entre langue et pensée, pas de causalité mais de la contingence. Le terme provient se co-toucher (cum tangere). » Poétique de la Terre, 150 & 207.
5
Année de naissance de ce corps-ci...