Source de l'image: Le Ciel, mai 2022, p. 290. Société astronomique de Liège. Il sied d'ajouter deux heures car celles indiquées sont en temps universel.
[Question-piège: pourquoi donc ce donc est-il adéquat ?]


Ce recueil se prolonge dans Les solsticiennes.

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diphtongues
Amuïr jusqu'à l'infrason
les diphtongues des douleurs,
les enfouir sous les abysses

aux silences vibratoires
d'où s'élève le jouïr intérieur
de l'énergie; ce couinement

s'emporte, corporel chemineau,
jusqu'au paisible ancrage
à l'orée de sa poétique comblée.

La cueillir, puis l'accueillir
pour enfin la tenir sous boisseau,
comme disponible

pour l'y distiller
en un goutte-à-goutte frissonné
tout au long du jour.


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marginales adoucies
De frêles frôlements de l'air
attentent à l'ampleur animale
qu'excite une lampe de lecture.

Une ombre s'évanouit aussitôt,
rapide & virevolvante,
presque subreptice.

Le corps se reconduit
aux marginales adoucies
par une pénombre d'entre-deux.

Apprécier la non-interférence
d'ondes amorçantes
amorties par l'indifférencié.


18 5 22

Ferroviaires, les quais
Même les pigeons les ont désertés:
les deux quais longent chacun
un haut mur aveugle en pierres

qui semble s'élever jusqu'à la troposphère:
il en émane la vibration
d'un air lourd chauffé à blanc.

À chaque extrémité
un tunnel ferroviaire.
Le soleil ratatine d'attente les corps.

Une touffeur citadine obnubile les pores.
Quelques corps s'agglutinent
à l'embouchure d'ombre

d'un tunnel sous les voies.
On se prend à rêver d'un quai mobile
se réfugiant dans un des gouffres

percés à même la colline
dès qu'une canicule ou un déluge pluvial
partirait à l'assaut de la cité.

Le premier train fera l'affaire:
la calatravade sous sa casquette de fer
est un ventilateur naturel transparent.


17 5 22

sous le voile d'un réel sans double
De proche en proche, serrer
toujours davantage
sa vibration propre.

Se l'approprier
percée toujours plus précise
vers l'harmonique intime

de sa période ondulatoire.
L'enfouir pour mieux l'y propager
dans une forme toujours

plus aboutie de résonance propice
à
épouser une forme accordée

à l'instant privilégié
traversant le corps
sans le renverser.

Se délivre alors,
sous son voile
le réel sans double.

Le réel sans double, Clément Rosset.
Le réel voilé,
Bernard d'Espagnat.


15 5 22

insoupçonné l'instant d'avant

Quant aux pales blanches
des moulins à vent d'autrefois,
elles étalent, lenteur, les voiles
tendues, étendues, entendues -
une vallée, un bassin versant
à l'écoute, en ramassent
le son des meules, un pressoir.
Quant aux orages de la pleine lune,
ils feront gronder les cours d'eau
en amont de leurs rives,
emplis des eaux dévalant
sur ces terres asséchées
par nos dérèglements déchainés.
Certaines emportent tout,
y compris certains vivants,
plus démunis, plus imprudents aussi
jusqu'aux rivages chahutés
où ils aborderont parmi les rondins.
Tout concourt par épisodes
plus ou moins distants
à effacer jusqu'aux traces
de nos décivilisations.
Apprendre à même ces dérives
fera affleurer tropes & métaphores
inutiles, impuissantes.
Végétal renaissant, faune opportuniste
roulée en boule parmi les gravats amassés,
moins fragiles que nos filets
de vie désincarnés.
Une quête instinctive de sens
épouse en dodelinant, tête penchée,
brassant l'huile à même la peau.
Pétrissage du silence
au plus près de son essence
au creux d'un cérémonial
en un temps de veille lunaire.
L'exploratoire sans oraison
tient, provisoire, tout en un:
il s'y songe une entité façonnée
tapissant, intériorisée,
de leur potentiel les méandres.
L'attention en prise
sur ces fulgurances denses,
intenses, flottant immergées
au travers de trouées malaxées
par tant de processus
nécessaires & autonomes.
En nos corons intérieurs,
aux entrailles peu d'entraves.
S'attacher, patience,
à en saisir au vol la portée
pour les lever une à une,
telle une contingence
- synchrone ou diachronique -
fait converger, de façon
indépendante, l'une ou l'autre
jusqu'à l'escarcelle
d'une conscience en éveil.
Tendre à être
d'autant mieux auteur
de chaque résurgence du jour
à l'écart des statistiques lissantes
d'une médecine déshumanisée,
en complément d'une pharmacopée
& classique & homéopathique.
Ressentir l'observé détendu,
en capter le manifeste

tel qu'il s'évase dans un repli
insoupçonné l'instant d'avant.


5 5 22

Conduire le corps
au plus près de sa portance,
mollets resserrés

sur leur conduction essentielle,
voilà une aimable disposition:
dynamique douce

louvoyant avec un parcours prévisible
Il pourvoie au nécessaire,
écarte le superflu

Louvoiements à minima
face au serpent-manifeste
Reconnaissables entre mille,

dispersion opérée,
des collègues déambulent
deux par deux dans le piétonnier.

D'autres s'attablent attroupés
en terrasses s(c)olaires
pour celles & ceux

qui avaient la dalle !
Quais de gare colorés
en vert & rouge

Déplacements calmes & respectueux
Un gouvernement
incomplet surfe ensuite


dans les média, photo à l'appui,
orchestration
bien au point,
tous les fils d'info en continu


sont tombés dans le panneau

Pour une fois qu'une manif'
débouche sur de l'immédiat médiatique...

L'espoir s'affiche en brèves

peu reprises en une le lendemain.matin
Portée bi-régionale,

une photo & un texte bref
sur le site local...
La Ministre en charge

se prête au jeu, micros ouverts
des les JT vespéraux
L'empathie s'applique à bien faire

Reculer pour mieux sauter ?
Ces reports promis
frapperont au fond quand même..


3 5 22
le réticent & l'amélioré
L'en-dedans de soi propulse

le corps sur le parcours marché,
matinal médian, solaire,
le
trottoirs longeant la rumeur
polluée de cages  aux roulements
bien trop pressés

S'éveille en chemin

quelque lirécrire
qu'un pas affermi balise
Une persévérante scansion

corporelle  mène
sa voie appropriée
en dépit de contraintes

survenues sur le parcours

Elle demande, sans l'exiger,
une confiance éblouie

en ses ressources enfouies
qu'il déploie au calme matinal
Le pas autrefois bien réticent

en avait restreint un temps
la portée d'usage
La patience est alors de mise

Une fois la propulsion
à nouveau disponible,
l'intérieur en dispose bien mieux.

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à l'écart de tout autre pavois
Une ère rance s'est brusquement ouverte sous nos pas.
Nous sommes échus en précipices dépités.
Tant de promontoires y ont été précipités.
Nos sens déroutés
ont pu soudainement perdre
leur cartographie intime,
un temps éclipsée.
Tant d'univers patients
y ont été pulvérisés à
2044
kilomètres d'ici.
Négoces barbares
surarmés engloutissent tant
de beaux gosses enfouis
sous les gravats ou au fond
de tranchées creusées
à même d'anciennes terres agricoles,
univers pollués par
toute cette chimie déjà destructrice,
comme si elle avait préparé
l'apocalypse déshumanisée
à laquelle nous assistons
avec une impuissance d'autant plus
désarmante que
nous avons enfin pris conscience,
même vaguement,
des impasses impossibles
à dépasser tant elles sont coincées
sous ces gravats régressifs.
Nos puissances personnelles,
patiemment mises au point,
nous le savons, sont
suspendues à un fil
d'araignée tendu au-dessus du vide.
Nos lâchers-prise,
n'y voyez nul relief
de nos désistements.
Cela faisait trop longtemps
que nous avions désappris
à endosser la violence humaine
qu'enfiler une livrée kaki

par-dessus un corps
résolument non belliqueux
est ridiculement inadéquat.
Ne se départir en rien
de la voie tracée
sous nos pas car elle
y est essentielle
au corps de soi, là,
à l'écart de tout autre pavois.