Quelle belle prose informée que celle de Pierre Bergounioux. Aucun gras. S'y tissent des anecdotes historiques à la matrice d'une vie propre, telles qu'il s'en conduit dans une vibration posée sur l'exacte trace de son passage. Émotion sincère face à cette prose dense. Elle nous livre étapes, acteurs, périodes dans un enchainement si maitrisé qu'il confond la lecture qui en apprécie la forme de délivrance qui s'y joint.

En 22 pages de texte, l'auteur parvient à nous emmener à coeur sanglant au centre de l'âme russe même. Une prouesse. L'ouvrage, petit par sa taille, est grand par sa portée d'universalité assumée face aux outrances physiques que l'injustice inflige aux corps.

L'Histoire défile: Pierre le grand, Catherine II, Lénine & puis à la page 21, cette question: « Saura-t-on jamais de quoi est mort le socialisme réel ? » Eric Hobsbawm & John Kenneth Galbraith sont convoqués pour proposer une réponse.

Deux pages plus loin: « [Le monde] consiste, en partie, à l'idée qu'on s'en fait, à l'usage qu'on en a, puisque nous sommes là. Un philosophe allemand – c'est presque un pléonasme –, Edmund Husserl, a pu le tenir pour "un problème égologique de caractère universel". De sorte que rien n'éclaire l'histoire d'un peuple comme sa littérature, lorsqu'il il en a une. C'est elle qui, depuis l'origine, relève les contours, fixe la teneur "du monde effectivement éprouvé". Un trait distingue les écrivains russe de leurs homologues occidentaux. C'est le péril qu'ils encourent à simplement dire ce qui est. » Pouchkine, Dostoïevski, Tolstoï, Essenine, Maïakovski, Marina Tsetaïeva, Soljenitsyne & Chalamov sont, parmi d'autres, évoqués d'un trait précis, sans bavure.

Piotr Pavlenski, né en 1984, nous est enfin présenté comme soutien activiste aux Pussy riots. La dernière page de ce petit bijou taillé avec une extrême précision: « Rien ne passe le désespoir auquel se sont trouvés réduits les innocents des années quatre-vingt. »


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