« Le contraire de dieu n'est pas le diable, c'est le hasard. Un concept étrange puisqu'il désigne l'inconcevable. Il tente de donner un nom à ce qui échappe au fonctionnement de l'esprit humain à qui il faut absolument des causes et des effets qui s'enchaînent logiquement.
Un dieu, parce qu'il abolit le hasard, parce qu'il serait la cause ultime semble rendre le monde compréhensible. Mais,en fait, cela ne résoud rien. Car quelle est alors la cause de la cause ? N'est-ce pas plutôt que l'esprit humain est mal configuré face au problème métaphysique pour lequel il est tout simplement inapte? » (Les carnets de Lécriteur, Jean-Pol Leclercq 6 3 2015)


J’avais promis à l’auteur une prolongation hasardeuse. La voici ? Comme souvent, quand je cherche une réponse à ce qui me chipote, je me plonge dans le Dictionnaire philosophique d’A. Comte-Sponville: Et puis le hasard, ni indétermination ni absence de cause(s). Le hasard est une détermination imprévisible (sauf tricherie au jeu évidemment). Et involontaire, qui résulte de la rencontre de plusieurs séries causales, échappant à tout contrôle comme à toute intention, ayant chacune leur complexité propre.
C’est le contraire de la liberté, de la finalité ou de la providence et ce n’est pas le contraire du déterminisme.
Est hasardeux ce qui rend indépendantes ces séries de causes.


Mais finalement, la meilleure suite, sans être une réponse, est un poème de Gaston Miron: Il mêle tristesse, nulle part et hasard… Un hasard sûrement que j'aie lu Jean-Paul, puis ACS, puis G. Miron. Sûrement...


HÉRITAGE DE LA TRISTESSE, Gaston Miron in L’homme rapaillé, Typo (Québec).

Il est triste et pêle-mêle dans les étoiles tombées
livide, muet, nulle part et effaré, vaste fantôme
il est ce pays seul avec lui-même et neiges et rocs
un pays que jamais ne rejoint le soleil natal
en lui beau corps s'enfouit un sommeil désaltérant
pareil à l'eau dans la soif vacante des graviers

je le vois à Ia bride des hasards, des lendemains
il affleure dans les songes des hommes de peine
quand il respire en vagues de sous-bois et de fougères
quand il brûle en longs peupliers d'années et d'oubli
l'inutile chlorophylle de son amour sans destin
quand gît à son cœur de misaine un désir d'être

il attend, prostré, il ne sait plus quelle rédemption
parmi les paysages qui marchent en son immobilité
parmi ses haillons de silence aux iris de mourant
il a toujours ce sourire échoué du pauvre avenir avili
il est toujours à sabrer avec les pagaies de l'ombre
l'horizon devant lui recule en avalanches de promesses

démuni, il ne connaît qu'un espoir de terrain vague
qu'un froid de jonc parlant avec le froid de ses os
le malaise de la rouille, l'à-vif, les nerfs, le nu
dans son large dos pâle les coups de couteaux cuits
il vous regarde, exploité, du fond de ses carrières
et par à travers les tunnels de son absence, un jour
n'en pouvant plus y perd à jamais la mémoire d'homme

les vents qui changez les sorts de place la nuit
vents de rendez-vous, vents aux prunelles solaires
vents telluriques, vents de 1'âme, vents universels
vents ameutez-le, et de vos bras de fleuve ensemble
enserrez son visage de peuple abîmé, redonnez-lui
la chaleur
et la profuse lumière des sillages d'hirondelles

 

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