Quand J. Abeille narre le Cycle des contrées, il sait le choix des mots, lui.
« La chora primitive se transforme chez Platon en milieu amorphe, recevant tous les corps. Platon occulte de manière décisive la dimension originaire de la spatialité comme CONTRÉE (Gegend) qui était perceptible au premier matin de la pensée. » A. Boutot, cité par Augustin Berque in Poétique de la terre, p. 156.
J. Abeille (JA) choisit de nous faire vivre cette dimension à l'origine de la « spatialité comme contrée » en nous y promenant à pas d'homme puis au pas des chevaux. Il réussit si bien à lui donner vie que Pauline Berneron, une lectrice, a pu en faire la carte, validée par l'auteur puisqu'il l'a insérée dans plusieurs romans du cycle.
A. Berque nous rappelle que fudosei se traduit de deux façons: médiance et contréité. Deux néologismes.
Alors que JA nous promène à travers les contrées en un cycle que nous sommes nombreux à vouloir sans fin, François Schuiten et Benoît Peeters, eux, façonnent leurs Cités obscures en excroissances du cube, structure logique qui n'aurait peut-être pas déplu au logos platonicien. La beauté formelle des Cités obscures est lumineuse. Chacun-e s'y reconnaît une appétence, comme celle d'un autre chez soi. Leur rémanence rétinienne au long cours est une des sources qui alimente l'imaginaire clos derrière les paupières baissées. Ils partent des cités et leurs plumes finissent par s'en écarter pour parcourir les confins et les déserts. JA parcourt les contrées, de jardins statuaires en déserts de pieere, bien avant de nous initier à Terrèbre, la ville. Deux mouvements.

Les auteurs romanciers se sont rencontrés grâce à une connaissance commune. Ils se sont reconnus et ont, dans trois œuvres de JA, et notamment Les mers perdues, emmêlé leurs univers si voisins, si complémentaires. Il reste aux Citobscuriens à inclure la Contréité Abeillienne quelque part dans leur univers et à fusionner les cartes ! Ce serait l'aboutissement en forme de bouquet final. Un feu continu d'arts essentiels.

Brüsel-Bords d'eaux, fécondes et réciproques.

L'émotion naît d'être devenu un lieu secondaire où se perçoivent des convergences entre des univers au départ distants et qui s'ignorent pour partie encore, de façon écrite en tout cas, et sauf erreur de ma part.

Ne serait-il pas « opportun » faire se rencontrer Augustin Berque, François Schuiten-Benoît Peeters et Jacques Abeille ? Mais cela a peut-être déjà eu lieu. Qu'en saurais-je ? Ces trois univers se co-suscitent désormais ici-même. Avant mieux, j'en forme le voeu.

L'ordre de lecture: Cités Obscures dès parutions, Mésologie au tournant du nouveau millénaire (via Écoumène et Médiance), Cycle des contrées, Mésologie – reprise en 2014 avec Poétique de la terre et de nombreux textes figurant sur le site Mésologiques.


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