« J’aime aussi que le vent me berce
et que la pluie me brouille
un instant le regard
car je possède plus de sens
qu’il n’y a de poèmes et chacun me procure
un différent vertige »
Karel Logist, Une quarantaine 1
***
En lisant ce poème, et puis d'autres, m’est venu, avec le même départ & de nombreuses versions intérimaires:
Un déférent vertige
J’aime aussi que le temps me renverse
de longs instants
au fil du regard,
en une détente
au plus près de
l’éveil à soi,
sans rompre jamais
le fil gorgé
de la conscience.
S’élaguer au sein de la joie
qu’accompagne
un mouvement,
peut-être guidé
par l’amour
de soi.
Gai,
le corps
s’enracine
autour de la lovée
dans l’épure
et s’amplifie
des égards
qu’imprègne
cette douceur
au cœur
d’une constance.
Le corps s’irradie.
Il s’émeut
sans fioritures.
Le roulis s'incarne
de l'intérieur
« car je possède plus de sens2
qu’il n’y a de poèmes et chacun me procure
un différent vertige »
* * *
La brève chaleur consentie
passe d’un univers à l’autre,
tend l’immense
prend l’intense
rend la transe
belle.
S’adoucir
en émotion
advenir à soi
sans fioritures.
Longuement
accompagner
le mouvement
intérieur.
Juste être soi
sans effusion
devenir
sa houle
avec déférence.
L’épure énergétique
prend une tournure incontournable.
Se souvenir
d’être l’infini débiteur
pour cette vie dénichée
au fond du terrien
que je suis,
en le devenant
de moins en moins.3
Ma terre se fait lave,
ma tourbe, incandescence.
Ce tantra-là éveille la chaleur lumineuse
au-dedans de soi,
il l’assouplit, tout joyeux
de la lave réversible qu’il devient.
Pierre ponce légère en émoi,
il s’écoule sans entrave.
Parfois, les yeux clos,
juste se retrouver
au milieu de cette errance
plus liquide
moins ténue
plus lucide
moins retenue.
Battement de soi,
parcours sans échine.
Nul abandon,
tout en maîtrise.
Savoir l’infranchissable,
percevoir cette civilité réciproque
qui est écartement convenable.4
Et se repoussent les limites
de l’inaccessible.
Cet art fastueux fait mûrir.
S’accepter
radieux et solitaire.
Nul besoin
d’illusions sur soi.
Suspendus au fil gorgé
de la conscience,
descendre sur les pentes
à l'intime du volcan,
confiants en l’âme5
de nos cordages.
Leurs torons6
nous maintiennent
résolument hors précipice
à la place que chacun prend.
La mise sur papier éclaire
l’âme en conscience.
Je suis ravi d’en être digne.
Le cœur de l’Homme est une chaleur liquide
comme le centre de la terre qui nous soutient.
1 In Mesures du possible, L’arbre à paroles, 2011, p. 90.
2 Comme dans ce texte, le mot âme.
3 Puis-je vous inviter à lire Roger Bodart, La route du sel et autres poèmes, La Différence, Collection Orphée ? Je me sens proche de cette veine poétique pour l'instant (20.1.13).
4 On parle de l’âme d’un violon, cette « pièce de bois qui maintient l’écartement convenable entre la table et le fond » de l’instrument. (Le Grand Robert)
5 On parle de l’âme d’un câble, sa partie centrale.
6 « Réunion de fils de caret tordus ensemble »; les fils de caret sont des « fils de chanvre tordus ensemble qui servaient naguère à fabriquer les fils de cordage pour la marine ».
Voir Un différent vertige pour une version antérieure et plus courte.