Charles Duits (1925-1991), dont le texte enchante l'oeil par ses multiples bonheurs d'écriture, emplit l'espace oculaire, cependant adossé à sa fenêtre familière. L'auteur est mentionné comme bien aimé dans un entretien accordé par Jacques Abeille (1942-2022) dans le 24e numéro de la revue Harfang, à la page 8.

Cette édition, intitulée André Breton a-t-il dit passe, est préfacée par Annie Le Brun dont plusieurs oeuvres viennent de rejoindre La Léonardienne sous la forme compacte d'un "Bouquins". Ces recoupements multiplient les occasions de lancer des ponts entre des univers à la fois distants et voisins. Du réel surréalisé en quelque sorte...

La prose fluide et inspirée de Charles Duits nous offre de vivre au plus près de la dispora surréaliste française à New-York pendant la guerre 1939-1945. La galerie de portraits que cet ouvrage originellement publié en 1969 et appareillé par l'auteur de quelques notes à la fin de sa vie. Des bonheurs d'écriture à chaque page, vraiment. Ce récit constitue et assemble les portraits d'un nombre impressionnant d'artistes qu'il a pu fréquenter, en tant que jeune adulte protégé par André Breton qui l'avait "à la bonne".

L'incursion narrative dans le monde des européens expatriés recèle une série de portraits pris sur le vif, puis ciselés sur "le métier" après la guerre, le temps pour une plume de mûrir sous le harnais. La description du processus de création de LA phrase chez Breton (115-116) est conduite avec une maturité, un sérieux qui nous empoche tout entiers au coeur même de ce creuset littéraire.

Sur le surréalisme des origines (1923), Breton: « Je me dis souvent que depuis Dada... au fond, nous n'avons rien fait... peut-être avons-nous voulu agir principalement afin de nous dissimuler à nous-mêmes notre faibles, de misérables craintes... notre désespoir... » (117) Et cette touche de réalisme de la part de C. Duits: « Il va sans dire que je ne rapporte pas exactement ses paroles. Mais je ne crois pas en trahir le sens. » (117)

 Un index des noms propres n'eut pas dépareillé un travail éditorial de qualité.

La préfacière a le chic absolu pour situer l'ouvrage dans un continuum temporel & artistique dont elle est elle-même devenue une spécialiste reconnue, au même titre qu'elle est une sadienne de derrière les fagots !

 

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