Typologie des trois genres de connaissance: in L'être et la joie 113, par R. Misrahi
 1er genre  Par ouï-dire Connaissance empirique sans fondement.
Elle ressortit de la confusion des sens.
Elle est passive et répétitive;
elle est source de toutes les désillusions.
 2genre  Rationnel et démonstratif
 (comme les maths)
 La connaissance de 2e genre
procède par l’enchainement déductif
&  emploie des notions communes.
Elle définit la science intuitive.
Le savoir ici est certes fondé, nécessaire & universel
mais uniquement conceptuel & abstrait.
 3e genre  la science intuitive  Elle saisit intuitivement, de façon intellectuelle et
immédiate, le rapport entre un attribut infini de la nature
et l’essence de la chose= un mode singulier de cet attribut.
La connaissance du 3e genre appréhende,
comprend de façon immédiate, le lien entre les réalités
singulières et les aspects spécifiques de la nature infinie
qui les fonde (choses ou idées).
C’est vers ce genre de connaissances
que toute l’Éthique conduit son lecteur.
Le contenu, la signification  ne peuvent être saisis
qu’avec la vérité.
La science intuitive appréhende concrètement
(et non plus abstraitement comme dans le 2e genre)
LE RAPPORT / LE LIEN. in L'être et la joie, 114.

 

  1. Par ouï-dire: connaissance empirique sans fondement; les fake news;
  2. Rationnel et démonstratif (comme les maths); le savoir ici est certes fondé, nécessaire & universel mais uniquement conceptuel & abstrait;
  3. Le contenu, la signification ne peuvent être saisis qu’avec la vérité / la connaissance du 3e genre est la science intuitive: elle appréhende concrètement (et non plus abstraitement comme dans le 2egenre) R. Misrahi, L'être & la joie, 114

LE RAPPORT / LE LIEN, dit RM dans les 100 MOTS DU SPINOZISME, s'opère entre

  1. la totalité comme substance &
  2. la singularité de tout être.

Cette science intuitive (3e genre) consiste à saisir l’immanence de la manière dont les réalités singulières s’insèrent dans la nature infinie.
Cette science intuitive implique de se libérer par rapport à tous les mythes de transcendance & de libre arbitre.
La science intuitive libère l’esprit à la fois de l’imagination et de la servitude.


Il s’agit dès lors de se libérer définitivement de la connaissance de 1er genre, la connaissance par ouï-dire (les fake news !), la connaissance empirique, car elle produit l’imagination illusoire et la fausseté des idées tronquées.

Seule la connaissance de 2e genre, la connaissance rationnelle, peut déboucher sur et engendrer un système d’idées adéquates relatives aux structures de l’être, c’est-à-dire la nature. C’est seulement à partir de cette connaissance rationnelle, à partir de l’unité de nature que peut émerger la saisie intuitive du lien entre

  • les choses singulières &
  • la nature infinie.

La béatitude et la liberté en découlent, d’où naît le sentiment d’éternité.


Plus l'humain devient capable de saisir du lien, de se saisir du réel par la science intuitive,

plus l'humain acquiert de l’intérieur, fût-ce de façon encore insue, l'intuition de l’unité de la nature (la nature est une & l'humain en fait partie,

& plus nous accédons à une joie pleine & entière.


Se convaincre que le monde est un.

Accéder à la plus haute joie.


Car mieux on a conscience de soi-même, c’est-à-dire plus on est "parfait" et heureux.
À la fin de l'article consacré à la connaissance dans les 100 mots de l'Éthique, Robert Misrahi fait apparaitre ces quelques mots-clés, qui sont autant de renvois vers d'autres termes de son lexique explicatif:

  • amour,
  • conscience,
  • éternité,
  • idée,
  • raison,
  • satisfaction de soi,
  • vérité.

Il s’écrit ainsi un balisage essentiel du spinozisme grâce à ce philosophe contemporain qu'est R. Misrahi.


Un droit de suite tout entier intuitif est ici survenu en mai 2020; cela met à jour et complète le tableau ci-dessus.


 

Une partie de leur esprit que leur pensée n'exploitait pas savait que je vivais chez eux.

Jacques Abeille, Les barbares, 269.


 

« L'insu est une ressource essentielle de notre déploiement.


L'insu est ce qui pense en nous sans passer par

  • le raisonnement,
  • la formulation
  • ou la volonté.

L'insu nous permet d'accéder

  • à une réflexion
  • & à une action

qui donnent droit

  • à l'intuition,
  • à la découverte fortuite,
  • aux rapprochements incongrus,
  • au contrôle sans conscience, que permet une longue expérience. » Élisa Brune & Paul Qwest, Nos vies comme événement, Odile Jacob, 2019, 41

Dans cette phrase si bien charpentée apparait également, à côté de l'insu, cette autorisation d'accès (« permet d'accéder »), cet accès rendu possible, grâce à l'insu précisément, à des pans de notre conscience qui seraient sans eux largement inexploités. L'intuitif, le fortuit, l'incongru donnent en quelque sorte accès à ce contrôle sans conscience qui nous fait se retourner sur ce qui a été réfléchi & agi par le corps de façon insue. Cette notion d'insu rend obsolète, ce qui l'était déjà sans cela, à l'inconscient des psychanalystes.

L'insu pourvoie d'une étiquette cette partie de l'esprit que la pensée n'exploite pas. Jacques Abeille nomme en complétude l'interface expressive entre la raison et l'intuition qui sont deux des trois genres de connaissances, selon Bento Spinoza. La raison appartient à cette partie de l'esprit que la pensée exploite alors que l'intuition ressortit, elle, de l'insu. L'imagination, premier genre de connaissance, est ainsi définitivement mise hors jeu.


Trois concepts qui n'en feraient qu'un ?
En lisant un ouvrage du bouddhisme zen intitulé La passe sans porte & traduit par C. Despeux, un constat: plus le temps va, plus des rapprochements semblent pouvoir s'opérer entre l'intuition chère à Spinoza, l'insu d'É. Brune & P. Quest et les conséquences d'un état d'absorption méditative propre au zen.

Voici le rapprochement tel qu'il figure dans cet autre essai:

À titre d'exemple, le 8e cas public se lit ainsi:

« Le révérend Demeure-au-clair-de-lune demande un jour à un moine: " Xizhong a construit cent chars; si l'on en retire les deux roues é l'essieu, qu'est-ce que cela devient ?"

« Commentaire de Sans-Porte: si vous arrivez à comprendre directement & sur-le-champ, vos yeux seront telles des étoiles filantes & votre activité d'esprit tel l'éclair.

« Stance

Lorsque la roue en activité tourne,
Celui qui est dedans en encore perdu,
Aux quatre coins, au nadir, au zénith,
Au nord, au sud, à l'est, à l'ouest. » 85

La fin des annotations de C. Despeux en font prendre l'exacte mesure: « Le commentaire & la stance de Sans-Porte évoquent l'état d'absorption méditative nécessaire pour expérimenter l'identité entre phénomènes & vacuité. Celui qui reste dans la roue du devenir, le samsâra, est impliqué & emporté par les phénomènes. Seul celui qui, selon les conseils du Sûtra du diamant, ne fixe son esprit nulle part, est à même de laisser oeuvrer la sapience, cette sagesse illuminatrice qui permet de voir la nature réelle des choses. » 87


Rapprocher des concepts voisins

En fixant son esprit nulle part, le soi est à même de laisser oeuvrer la sapience, une sagesse illuminatrice qui permet de voir la nature réelle des choses. Il me semble que cela se confond avec le troisième genre de connaissance chez Spinoza ou encore l'insu chez Élisa Brune & Paul Quest. L'essai qui est consacré à cette science intuitive & à cet insu se lit en cliquant sur ce lien.

Il semble en effet que

  • l'état d'absorption méditative qui s'atteint en ne fixant son esprit, son attention, nulle part, permet à une forme de sagesse illuminatrice de voir la nature réelle des choses
  • ressemble fort
    • à cette science intuitive (3e genre) qui consiste à saisir l’immanence de la manière dont les réalités singulières s’insèrent dans la nature infinie. Cette science intuitive implique de se libérer par rapport à tous les mythes de transcendance & de libre arbitre. La science intuitive libère l’esprit à la fois de l’imagination et de la servitude,
    • & à l'insu qui nous permet d'accéder
      • à une réflexion
      • & à une action

      qui donnent droit

      • à l'intuition,
      • à la découverte fortuite,
      • aux rapprochements incongrus,
      • au contrôle sans conscience, que permet une longue expérience. » Élisa Brune & Paul Qwest, Nos vies comme événement, Odile Jacob, 2019, 41
 

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