Il se dira que NP, à l’instant même où s’entamait la lecture de ce questionnement en livrée, QUE PENSE LE POÈME ?, était devenu adhésif à la démarche qui se déploie, s’y déplie, sous la sobre robe que lui offre en écrin les éditions Nous.

Oublions tout ce que nous ne savons pas d’A. Badiou car il commet en ce lieu éditorial œuvre essentielle: elle parcourt, balise, précise, définit ce que nous est poésie, un silence fondateur. 15

Se déploie, se déplie, en ce livre-question (Que pense le poème?) la maturité d’une pensée aboutie qui emprunte tous les bords de précipices, sans jamais s’y abîmer et dont il balise de nombreux contours avec une joie que sa double appartenance à la philosophie et aux mathématiques, ce qui, en soi, est déjà une tension résolue, assumée, entre deux bords mis au coeur même de ce corps-conscience-là.
Nulle Part en apprécie les bords, le rebords, les débordements mêmes qu’une plume fertile met en tensions plurielles sur des continuums abordés dont il s’attache à nous (dé)montrer les validités.

Le poème est levée péremptoire dans la langue. 14

Aller à la rencontrer du poème, c’est le déplier. 14


A. Badiou définit ainsi le silence du poème moderne:

« Plié, réservé, le poème moderne est habité d’un silence central. Silence pur dépourvu de tout sacré, ce silence interrompt le vacarme général. Il loge le silence dans la trame de la langue, et de là, oblique vers une affirmation sans précédent. Ce silence est une opération. Et le poème en ce sens dit le contraire de Wittgenstein, il dit: "Cette chose qui est impossible à dire dans la langue du partage et du consensus, je fais silence pour le dire, pour séparer du monde qu’elle soit dite, et toujours redite pour la première fois."
« C’est pourquoi le poème exige dans ses mots mêmes une opération de silence. C’est en lui que réside un impératif de réserve. » 15


A. Badiou s’emploie ensuite à définir le poème soi-même:
« Le poème est un point d’arrêt. Il arrête la langue sur elle-même, il interdit sa dilapidation dans le vaste commerce qu’est aujourd’hui le monde. Contre l’obscénité du "tout voir" et "tout dire", et tout montrer, et tout sonder, et tout commenter, le poème est le gardien de la décence du dire. …

« En ce sens, le poème est une délicatesse de la langue envers elle-même; il est un délicat toucher des ressources de la langue. Or notre époque, note déjà Mallarmé, agit en toutes choses peu délicatement. Je le cite: "Ils agissent peu délicatement, que de déverser, en un chahut, la vaste incompréhension humaine."
« Disons alors: le poème est la langue elle-même, s’exposant solitaire en exception du chahut qui nous tient lieu de compréhension.
« Que dire alors du poème et de la connaissance ? Musicien de son propre silence, gardien attesté de notre propre délicatesse, le poème est-il ce par quoi s’organise une connaissance et laquelle ? » 15-16


Comment ne pas continuer à lire après avoir lu cela dans les vingt premières pages ? Un autre jour, une autre fois, sous une autre lumière encore, mais persévérer dans cette joie-là.


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