Joyce Mansour ne figure pas dans le Dictionnaire sterberguien. Bien dans Les chefs d'oeuvre de l'érotisme par contre. À nouveau, une poétesse qui gravita autour des surréalistes est choisie par notre auteur. Un texte d'elle, Sur une mer de frénésie, figure sous le titre Cris et déchirures et mis sous la protection d'Honoré de Balzac: « Chaque nuit doit avoir son menu. »

Un feu habite ces textes; il n'avait pas manqué d'attirer l'attention des anthologistes, après avoir attiré celle d'André Breton dans les années 50.

La notice que consacre Wikipedia à Mme Mansour précise qu'elle avait rencontré Henri Michaux, un autre poète présent dans cette PAP.


Les machinations aveugles…

Les machinations aveugles de tes mains
Sur mes seins frissonnants
Les mouvements lents de ta langue paralysée
Dans mes oreilles pathétiques
Toute ma beauté noyée dans tes yeux sans prunelle
La mort dans ton ventre qui mange ma cervelle
Tout ceci fait de moi une étrange demoiselle


Fièvre…

Fièvre ton sexe est un crabe
Fièvre les chats se nourrissent à tes mamelles vertes
Fièvre la hâte de tes mouvements de reins
L'avidité de tes muqueuse cannibales
L'étreinte de tes tubes qui tressaillent et qui clament
Déchirent mes doigts de cuir
Arrachent mes pistons
Fièvre éponge mort gonflée de mollesse
Ma bouche court le long de ta ligne d'horizon
Voyageuse sans peur sur une mer de frénésie


Invitez-moi…

Invitez-moi à passer la nuit dans votre bouche
Racontez-moi la jeunesse des rivières
Pressez ma langue contre votre œil de verre
Donnez-moi votre jambe comme nourrice
Et puis dormons frère de mon frère
Car nos baisers meurent plus vite que la nuit
http://organodeon.chez.com/Opussecul/Erosenpoesie.htm

D'autres textes mansouriens sur la toile:

«...Et chante aussi que tu m'es due
comme mes yeux, mes désarrois,
et tes cinq doigts d'ocre aux parois
de la roche où ta voix s'est tue.
Le silence t'a dévêtue
— chemin d'un seul geste frayé —
et mon orgueil émerveillé
tourne autour d'une femme nue.

Première et fauve quiétude
où je bois tes frissons secrets
pour connaître la saveur rude
des océans et des forêts
qui font faite, toi, provisoire,
île de chair, caresse d'aile,
toi, ma compagne, que je mêle
au jour continu de l'ivoire.

Ton torse lentement se cambre
et ton destin s'est accompli.
Tu seras aux veilleuses d'ambre
de notre asile enseveli,
vivante après nos corps épars,
comme une présence enfermée,
quand nous aurons rendu nos parts
de brise, d’onde et de fumée.

Le jour. Regarde. Une colline
répand jusqu'à nous des oiseaux,
des arbres en fleurs et des eaux
dans l'herbe verte qui s'incline.
Toi, femme enfin — chair embrasée
comme moi tendue, arc d'extase,
tu révèles soudain ta grâce
et tes mains saoules de rosée.
Tes yeux appris au paysage
je les apprends en ce matin
immuable à travers les âges
et, sans doute, jamais atteint.
Déjà les mots faits de lumière
se préparent au fond de nous;

et je sépare tes genoux,
tremblant de tendresse première...»

La notice que lui consacre Les chefs d'oeuvres de l'érotisme attire notre attention sur les possibles raisons de son inclusion dans cette belle anthologie Planète. Elle est ce terreau vivace et contemporain d'un surréalisme qui a les faveurs de J. Sternberg.

Les éditions Actes Sud ont publié en 1991 les oeuvres complètes de J. Mansour, cinq ans après sa mort. L'ouvrage semble toujours disponible.


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