Éditions Le bruit du temps Éditions Les deux océans

 

Sôseki, Poèmes,
traduction du chinois Alain-Louis Colas:
Japon, XIXe-XXe

La non-dispersion
Mental concentré, si possible en équilibre, pensées non dispersées tenues éloignées de celles qui sont parasites et perturbatrices, comme cette tristesse possible face à l’esseulement au quotidien, pourtant choisi. Un chemin à la trace claire ne se rebrousse pas.
Il s’agit de convertir le mental concentré sur la non-dispersion tout en comprenant les choses lucidement et en marchant au vrai en accord avec la nature.
Une pensée droite & exacte est une récompense (une joie, dirait Spinoza). Le réel se venge (est une tristesse) quand les pensées passent un cap où l’excès de casuistique ou d’idéologie tient lieu d’activité.

Le recueillement
Toutefois, quand les pensées se tiennent loin de l’équilibre, se dissipent (Prigogine), c’est par un effort de recueillement qu’elles se tranquillisent, voire s’apaisent.
Se recueillir, préféré à méditer par Sôseki, permet le repos du mental en se détachant des pensées dissipées, dissipantes, dissipatives, c’est-à-dire agissant à l’encontre de l'aplomb conscient, vigilant – sans pour autant prétendre évacuer toute pensée. Cette prétention constitue un idéal chimérique, inaccessible.

Le flux des pensées
Sôseki, et A-L Colas dans son sillage, conseille de les laisser couler sans en retenir aucune, sans chercher à les relier, ce qui constituerait une de ces cogitations habituelles dont il est bon, sain de se tenir éloigné.
Est-ce que lutter contre une tristesse lucide face à une tristesse assumée consisterait, pour qu’elle relâche la pression qu’elle exerce sur le flux de pensées, à mieux évacuer ces « souffles plaintifs » dont parle le poète japonais, en étant accompagnés par un maître ?
Concrètement: à sonoriser quelques expirations profondes de « plaintes » remontées des abysses du soi qui, la plupart du temps, bouillonnent en soi à bas bruit sans attirer l’attention.

Le volcan
La métaphore du volcan se pointe ici, elle a déjà beaucoup afflué poétiquement sur NP. Quand une coulée de lave s’est déposée, la terre redevient plus fertile qu’avant.

L’esseulement au quotidien, une surdité bien comprise...
Accepter de considérer l’esseulement au quotidien, non comme une tristesse mais comme un fait objectif, voire même une joie, tout comme être sourd appareillé amène aussi des joies qui tiennent par exemple à l’extinction des appareils quand décidément l’environnement est trop bruyant ! Cela constitue un avantage stratégique dont les sourd.e.s appareillé.e.s jouissent sur les entendants.

Mental découplé
Depuis que le possible remplacement de méditation par recueillement a été suggéré par une lecture de Sôseki, ce geste, se recueillir en soi, se cueillir à nouveau en soi, semble porteur: le repos mental en résulte, découplant les pensées dissipatives. Elles dispersent le soi, l’émiettent, l’éparpillent. 


Les dits de Lalla,
traduction du cachemirien
par Marinette Bruno:
Cachemire, XIVe

L’énergie, meilleure substance du soi
Recueillir la meilleure substance du soi & la tenir disponible, à disposition de l’énergie cosmique, en harmonie avec elle. L’être ± serein voit sa source ancrée dans un flux positif de lavequi s’écoule sur les pentes du volcan. Plus métaphoriquement dit, la source d’une certaine sérénité s’ancre en un flux positif de joie qui fertilise les berges du flux énergétique s’écoulant du soi. Cela alimente le corps-conscience de sa propre substance à même sa source la plus intime, la plus profonde, Il s’agit de la maintenir libre le plus possible, sans trop de contraintes, d’obstacles qui la
paralyseraient.

Énergie cosmique
La source la plus intime est elle-même à son tour alimentée par « l’énergie cosmique qui gît, latente, en chaque être humain.
Une telle énergie est à la source de
➢tous les pouvoirs,
➢toute la force,
➢l’énergie vitale,
➢toutes les formes de vie dont [chaque être humain] est capable. » (L. Silburn, La kundalinî, 17, citée par M. Bruno)

Cette énergie se présente sous deux aspects:
➢le souffle, l’énergie vitale,
➢et l’efficience virile au sens large.
Viril est le terme qu’emploie M. Bruno. Sexuée me semblerait plus inclusif. Reprenons, cette énergie se présente sous deux aspects, le souffle, l’énergie vitale en harmonie avec l’énergie cosmique et l’efficience sexuée par laquelle transite l’énergie qui se lève en soi.

Quelques glanes dans les dits de Lalla
Le maître est celui qui sait par expérience personnelle. 15

Une ascèse peut être une une errance, comme c’est le cas pour la poétesse Lalla. Une ascèse peut aussi approfondir, creuser toujours plus profondément l’accès à la source vitale havrée, sans forcément se déplacer. Chacun.e son chemin de vie. Une ascèse n’est jamais monotone: elle varie de façon créative les points d’accès.
Six ennemis définissent le « je » limité, l’égo:
➢ la convoitise,
➢ la colère,
➢ le désir sexuel,
➢ l’orgueil,
➢ la jalousie,
➢ & l’illusion ou la confusion. Lalla, 79.

En balayant plus largement, Spinoza est proche de Lalla avec les affects qui ressortissent de la tristesse. À nouveau, être à la croisée de traditions constitue une forme de constance sur Nulle Part.

Le coursier de mes pensées
J’ai saisi & retenu par la bride le coursier de mes pensées &, par une ardente pratique, uni les souffles de mes dix courants vitaux. 81

Les citations des Dits de Lalla s'étofferont à mesure qu'elles se rencontreront.
 

 


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