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C'est en lisant le Carnet de notes 2001-2010 de Pierre Bergounioux, ouvrage emprunté en bibliothèque publique, que l'idée m'est venue de passer à autre chose. Certes, sa langue est magnifique, ses ouvrages de moindre ampleur, de moindre systématicité aussi, en attestent à foison. Toutefois, elle se dilue dans la masse & surtout ces courateries incessantes après un micro-poil de célébrité augmentée pour faire vendre ses ouvrages, en se déplaçant aux quatre coins de la France tout en enseignant en collège ont fini par me lasser. Je n'ai plus suivi que ses péripéties d'enseignant: un an de bourse d'auteur lui a permis de décrocher un an, pour reprendre le collier ensuite dans deux autres collèges, (il avait perdu tous ses points ! Plus infantilisant que ça, c'est difficile !) avant de parvenir à décrocher un poste aux Beaux-Arts de Paris, avec prise de fonction en janvier 2007 accompagnée du suspense fin décembre 2006 de l'autorisation (ou pas, l'arbitraire de la haute administration française !) d'y être détaché. Il y a été chargé d'un enseignement sur l'histoire de la création littéraire de 2007 à 2014 avant de céder le poste à Pierre Alféri.
Bref, carnet pour carnets, me suis-je dit, autant entreprendre la lecture d'un auteur déjà apaisé, ce qui n'est visiblement pas le cas de P. Bergounioux dans cette période de sa vie.
Tout ça pour vous expliquer comment le 18 11 21, cette autre brique est tombée dans l'escarcelle de Nulle Part. Les chemins sont parfois complexes !
Matthieu Ricard, sur la prise de conscience dans Carnets d'un moine errant, ch. 10 Ermitage, 119-120.
Voici un passage retranscrit.
" Avec de la patience, le verger devient confiture", dit le proverbe.
Sur le chemin spirituel, les changements véritables se produisent
- lentement,
- mais sûrement.
[Les changements véritables] sont à l'image du mûrissement
- d'un fruit
- ou des aiguilles d'une grande horloge qui semblent immobiles quand on les fixe du regard tout en bougeant imperceptiblement à chaque instant.
Les feux d'artifices spirituels, les diverses expériences méditatives intenses qui surviennent parfois au cours de la pratique sont semblables à des brumes matinales: elles ne tardent pas à se dissiper. Si on s'y attache, elles deviennent des obstacles.
Le chemin parcouru
- ne se mesure pas
- par des avancées subites
- ou des bonds extraordinaires;
- c'est en comparant
- ce que nous étions quelques années auparavant
- & ce que nous sommes devenus
- que l'on PREND CONSCIENCE de ce qui a été accompli en nous.
On évalue alors
- la diminution
- de notre égoïsme
- & de nos émotions perturbatrices
- en même temps que l'épanouissement
- de notre sérénité,
- de notre liberté intérieure
- ainsi que de notre résilience face aux aléas de l'existence.
Les signes de notre progrès se mesurent également à l'aune
- de notre altruisme,
- de l'harmonie
- & que la bienveillance
que nous sommes capables de manifester dans nos rapports à autrui.
...
L'indice d'une pratique qui progresse dans la bonne direction est, dit-on,
- un tempérament pacifié & maitrisé
- allié à un amenuisement des émotions négatives.
...
Lors de mes longues pratiques en retraite solitaire, précise encore M. Ricard,
- je n'eus pas à "endurer" le lent écoulement du temps;
- je m'en délectais à chaque instant.
Je me suis aussi attaché à préciser les caractères définitoires de la prise de conscience dans une bribe philosophique. Les développements que j'y consacre sont à lire ici.
Le cadre dans lequel se développe ma réflexion propre s'alimente à d'autres sources que le bouddhisme tibétain. Cela n'empêche évidemment nullement de trouver en lui aussi de possibles convergences non religieuses. Leur nature universelle intrigue autant qu'elle enchante. C'est bien ce qui retient l'attention dans ma lecture de cet ouvrage.
Parmi les divergences, l'insistance sur la séparation entre le corps & l'esprit qui illumine ces Carnets d'un moine errant n'est pas mienne. Jean François Billeter a esquissé une approche matérialiste du corps propre dont je me sens très proche. En suivant les deux hyperliens, ces esquisses sont présentées. Le monisme constitue également une interprétation possible de l'Éthique de Spinoza; il est notamment bien décortiqué dans un ouvrage rédigé par Michel Juffé.