À mon père


Grâce au Président de Mémoire de Neupré, qui m’a mis dans les mains un dossier bien intéressant, nous allons consacrer ce tarticle à un sujet de nature plus sociologique. L’histoire locale (métropole liégeoise) n'en est pas tout à fait absente, vous l’allez voir…

Contexte
« Suite à la terrible épidémie de choléra qui frappe la Belgique en 1866, de nouvelles mesures sont prises pour assainir les quartiers populaires des villes belges. Le 20 juin 1867, le législateur autorise le gouvernement à conférer tous les caractères de la société anonymeaux sociétés qui ont pour objet la construction, la vente ou la location d’habitations destinées aux classes ouvrières. Ces habitations sont également exemptées de certaines charges fiscales. Une nouvelle loi d’expropriation est aussi votée le 15 novembre suivant, sans pour autant imposer aux collectivitéslocales la reconstruction de nouvelles habitations en remplacement des quartiers détruits. Néanmoins les sociétés de logements sociaux se multiplient au cours des années suivantes et entreprennent surtout dans les grandes agglomérations l’édification d’un bon millier de nouveaux logements destinés aux classes populaires.
Ces initiatives, pour novatrices qu’elles peuvent paraître, n’en demeurent pas moins fort limitées à l’échelle de la Belgique et au regard d’une population ouvrière qui augmente à un rythme soutenu, de concert avec l’industrialisation du pays. Il faut toutefois attendre plus de vingt ans pour que des mesures générales soient prises dans le domaine de l’habitat populaire. En réaction aux émeutes ouvrières de 18861, le gouvernement institue une Commission du travail qui finit par proposer, entre autres choses, la création d’une société nationale pour la construction de maisons destinées aux classes populaires. Ces travaux aboutissent concrètement au vote de la loi du 9 août 1889 relative aux habitations ouvrières. Ce texte institue dans chaque arrondissement administratif du pays un ou plusieurs comités de patronage2 chargés de favoriser la construction, la location ou la vente aux ouvriers d’habitations salubres. »3


Arrondissement de Liége
C’est, encouragée par ce cadre législatif récent, que se constitue en 1892 une Société anonyme de garantie pour favoriser la construction de maisons ouvrières dans l’arrondissement administratif de Liége. Les rapports du conseil d’administration et du collège des commissaires sont parvenus dans les mains de Mémoire de Neupré. Ils couvrent les années 1897 à 1909, mais contiennent des informations couvrant toute la période des dix-huit premiers exercices.

L’ensemble du dossier délivre une série d’observations à caractère sociologique. La première est l’objetmême de cette société anonyme qui figure à l’article 4 du projet de statuts4
: « Favoriser la construction d’habitations à bon marché et leur achat par la classe ouvrière. »
Tous les mots ont leur importance:
-  il s’agit de favoriser, d’accorder une faveur5;
-  les habitations seront construites à bon marché; comme le magasin du même nom qui trônait sur la Place Saint-Lambert…où les prix l'étaient que ne le suggère l'enseigne !
-  les prêts sont consentis à la classe ouvrière, ce qui, de facto, reconnaît l’existence d’autres classes sociales;
-  l’intitulé même de la Société anonyme de garantie indique qu’elle couvre le seul Arrondissement de Liége, comme le stipule la loi du 20 juin 1867.
Se reconstituent sous nos yeux les stratifications sociales d’il y a un siècle. Je ne suis pas certain, d’ailleurs, qu’elles soient très différentes de nos jours, même si elle sont pris d’autres contours et se décèlent sous d’autres étiquettes…éminemment politiques.


Rapport annuel
Les observations formulées par le conseil d’administration se répartissent entre les années 1892 et 1909, soit sur dix-huit années. Elles contribuent à définir l’époque.
Énumérons-en quelques-unes, telles qu’elles apparaissent dans le rapport de 1909 (18e), le plus récent en notre possession6. Il récapitule l’ensemble des exercices. Le canevas général de ces rapports, imprimés sur les presses du journal La Meuse, est identique; les données reprises diffèrent, évidemment.

Tableau 1: Profession des emprunteurs, par ordre numérique décroissant & cumulatif sur 18 ans

Industrie sidérurgique  671
Mineurs  400
Industrie du logement &
mobilier 
145
Ouvriers chemins de fer, 
postes & télégraphes 
129
Journaliers & manœuvres  117
Armuriers  114
Verriers  92
Carriers  75
Métiers divers  71
Industrie du vêtement &
alimentation 
45
Magasiniers & Camionneurs  32
Électriciens  28
Total des emprunteurs  1919

1919 prêts ont donc été consentis par cette Société anonyme de garantie (SAG).

À suivre...


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