Quand l’architecture se fait poésie

J’ai lu d’une traite le nouveau recueil de poésie de Karel Logist, Éboulis oubliés. Quand, je dis « lu », je veux dire « lu tout haut ». Sais pas pourquoi, la mise en bouche (la mienne !) fait mieux apparaître le rythme, le ton très personnel de cet écrivain liégeois.

L’anagramme du titre (Éboulis oubliés) se coule naturellement sur la page. Pourtant, il est original, osons le mot génial, même. Si vous ne connaissez pas (encore) Karel Logist, je vous livre une « preuve » supplémentaire de son génie poétique : Éboulis oubliés est le seul à apparaître dans une recherche Internet sur un moteur de recherche (expression exacte en recherche avancée « éboulis oubliés »), avec une partie de scrabble jettoise !

L’auteur liégeois bénéficie d’un environnement architextuel de choix puisque les projets présentés par Andrea Tenuta et Delphine Péters sont très réussis. Sa plume imprégnée de l’encre des matériaux art-chitecturaux se fait, au détour du chemin, très personnelle. Le poète a pris le parti de ne pas écrire sur /décrire l’ensemble des projets du bureau d’architecture qui l’avait invité. Un « Tu » féminin transperce également ses poèmes. Sur les 41 pages de textes poétiques, 24 sont poétiquement architecturales, 17 poétiquement poétiques.

Un mot sur la forme de cette collection: des choix audacieux tournant autour du blanc, du noir et du gris (pour les pages Logistes); un format de poche (11 x17), une iconographie très riche: une multitude de plans, de photos en noir et blanc. Le format même de la collection Architexto met en évidence le nom des auteurs de projets et de l’auteur de textes. Cependant, le titre « éboulis oubliés » n’apparaît pas catalographiquement. Le site des éditions fourre-tout vous résout tout ça. Malgré cette élégance minimaliste de la mise en page, le papier gris pour la poésie porte en lui une certaine tristesse consensuelle que ne confirme pas le texte. Je n'aurais probablement pas fait ce choix.

Karel Logist ponctue son texte de majuscules et deux espacements délimitent les strophes. Bien dans la lignée de la poésie contemporaine.

La terminologie technique des architectes parsème ces Éboulis, les enrichit de précisions bienvenues, sans jamais fermer de fenêtre poétique. Quelques aphorismes également ; mon préféré : « Les architectes en prison font-ils plus volontiers le mur ? » (p29)

Vu par le poète, l’approche de rénovation des deux architectes est sans nostalgie, avec le « vigoureux désir d’éveiller des lieux. » (p12). Un poème apparaît sur le site de l’auteur : www.karellogist.fr. Profitez-en. L’avant-goût est de qualité, comme le reste !

[Note pour les pros: Il me faut quand même dire la traduction anglaise sans qualités de la page 11. Je ne devrais jamais lire l'anglais quand je le pressens traduit du français par quelqu'un dont l'anglais n'est pas la langue maternelle... J'avais longtemps résisté, mais j'ai cédé... Un seul exemple suffira à vous convaincre: Texte français (10 mots): « Sa poésie raconte la mer, l'enfance et le soleil.» Texte anglais (18 mots, dont six ne figurant pas dans l'original) : « From his poetry we learn of his affection for his fellow humans, for the sea, for childhood and the sun.». Traduire, c'est un vrai métier sanctionné par cinq ans d'études universitaires. Mes coups de sonde dans le reste de l'ouvrage , dont toutes les annotations architecturales sont traduites, ne semblent pas révéler pareilles lourdeurs. La page 11 est à refaire, en tout cas.]


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Aphorisme, comme ça...

« La retraite est une chose merveilleuse,
qui libère de terribles puissances.
& elle donne au silence de grandes douceurs. »
Gilles Deleuze, dans une lettre adressée à Arnaud Villani,
publiée dans L'abeille & l'orchidée, p. 149.

 

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