Sophie Bessis (1947), La civilisation judéo-chrétienne : anatomie d'une imposture, éditions Les liens qui libèrent, 2025, 90p., isbn979-10-209-2290-8
Cela fait longtemps que je sais ne pas appartenir à cette civilisation-là, la judéo-chrétienne. Je n'étais pourtant pas "équipé" pour contredire de façon convaincante ce savoir intuitif. Je me contentais d'évoquer la laïcité. Je suis heureux d'avoir lu une annonce de parution sur ce livre écrit par une historienne dont je n'avais jusqu'à présent jamais croisé le parcours. En parcourant du regard les tables philosophiques d'une librairie fréquentée pour une autre raison (écouter une astronome enthousiaste nous entretenir de ses recherches sur des voyages d'astronomes), j'ai aperçu la couverture; cela a suffi.
Table
Introduction 7
Un grand remplacement 13
La fabrique de l'oubli 23
Une machine à expulser 33
Un mensonge commode 57
L'Occident au coeur de l'Orient 68
Un retour aux racines ? 79
Sur le site de l'éditeur :
« Depuis quarante ans, en Europe comme en Amérique du Nord, la notion de « civilisation judéo-chrétienne » a envahi l'espace public. Ce livre propose une analyse rigoureuse et fondamentale qui dévoile les mécanismes de cette invention.
Depuis quarante ans, le concept de « civilisation judéo-chrétienne » domine les discours politiques et médiatiques en Occident, présenté comme le socle culturel de l’Europe et de l’Amérique du Nord. Mais que cache cette expression devenue une référence hégémonique ?
Récupéré par des acteurs variés – États, mouvements politiques ou nationalismes – ce concept est utilisé de toutes parts pour réécrire l’histoire, servant en Europe à occulter deux millénaires de persécutions antisémites, à nier l’apport de l’Orient dans son passé et à exclure l’islam de ses références culturelles. Le sionisme puis l’État d’Israël à partir de sa création ont eu besoin d’affirmer leur ancrage exclusif à l’Occident, se proclamant aujourd’hui comme le « bastion avancé de la civilisation judéo-chrétienne » face à « l’ennemi arabo-musulman », tandis que les nationalismes arabes ont vu dans cette expression un instrument commode pour nier la dimension juive de l’histoire de leurs propres pays.
Sophie Bessis dévoile comment ce binôme, loin d’être neutre, est utilisé partout pour rendre impossibles des convergences culturelles et politiques qui pourraient être autant de chemins vers la paix. »
Une lecture agrippée
Un démontage rigoureux de cette expression ouvre à une lecture renouvelée des tenants et aboutissants dans le religieux qui imprègne tant et plus nos imaginaires, sans que nous soyons conscient·e·s de leurs excroissances d'exclusions stigmatisantes. Ceci est un essai dont la fonction est de déconstruire une expression de façon radicale? « [Il] a ... pour objectif de retisser les liens rompus de toutes parts et de rebâtir du vivant et du réel à la place des exclusions mortifères que proposent à leurs peuples tous les entrepreneurs identitaires du Nord et du Sud réunis dans leur refus de l'autre. » (dernière phrase de l'ouvrage).
« La littérature actuelle ne repère nulle trace de « judéo-christianisme » hors des frontières que l'Occident s'est donné. Dans des régions du monde comme l'Amérique du Centre et du Sud où le christianisme dans ses différentes obédiences est la religion dominante, une telle référence est sinon inexistante, du moins fort discrète. » 10-11
C'est une vérité alternative (11) qu'il s'agit de « déconstruire, en un temps où elle est devenue une arme redoutable aux mains d'extrêmes droites cherchant à devenir hégémoniques » 12
La façon dont cette historienne aguerrie (voir sa fiche sur le Parlement des femmes francophones) conduit son essai le rend précieux à qui veut se prémunir contre les glissements sémantiques destructeurs du vivre ensemble.
L'ouvrage est pourvu de 46 notes de bas de page. Elles révèlent une attention aiguisée de l'autrice qui est portée à s'équiper de références nombreuses et adéquates. Ces notes constituent une bibliographie d'ouvrages dont certains semblent pouvoir prolonger la lecture de ce bref et stimulant essai pour en étoffer encore la pertinence.
L'ouvrage est synthétique et extrêmement roboratif.