Il est probable que je ne sois pas paramétré pour profiter des apports de L'anti-Oedipe (G. Deleuze & F. Guattari), premier tome de leur "Capitalisme & Schizophrénie". J'ai lu le début grâce à l'extrait mis à notre disposition par l'éditeur. Mille Plateaux, le second tome, je m'en souviens bien, avait été acheté pour RHIZOME et non pour son surtitre. Pourtant, les huit ans qui se sont écoulés entre les deux publications (1972-1980) semblent avoir assagi leur écriture qui me laisse une impression d'être davantage "sensée", d'être porteuse de sens dont je suis davantage à même d'en tirer une forme/un type de profit compatible avec le tissu dont je suis fait.
J'ai déjà eu l'occasion de parler d'outils de défrichage d'écrits de Deleuze. Sur les lignes de vie constitue à mon estime la meilleure "outillation" par Deleuze lui-même. Rendons grâces à ces personnes qui ont mis à notre disposition ces lignes clarifiantes.
Rosset, comme Deleuze & Guattari nourrissent leurs textes de références littéraires: nombreuses sont celles qui m'échappent... Quelque occasion fait avec à-propos de moi un larron ! Un peu comme si le réel même ne leur suffisait pas pour étayer leurs apports philosophiques.
« On reproche à la psychanalyse de s'être servie de l'énonciation oedipienne pour faire croire au patient qu'il allait tenir des énoncés personnels, individuels, qu'il allait enfin parler en son nom. » Mille Plateaux, p. 51
Dans mon insavoir de jeune homme, j'avais définitivement décrété n'avoir jamais eu envie de violer ma mère ni de tuer mon père; ni violeur incestueux, ni parricide donc; je me rangeais à la grosse louche à l'écart de la psychanalyse. Michèle Perrot, l'historienne féministe, dans un entretien télévisé récent (été 2025), a aussi dit qu'elle n'avait jamais entrepris de psychanalyse.
Clés - serrures
Les cours oraux transcrits sont des clés qu'il s'agit d'utiliser dans les serrures que sont les livres écrits. L'insertion nous est facilitée par les notes fournies par David Lapoujade: elles établissent des ponts entre cours oral transcrit en vue d'être publié et livre écrit publié bien antérieurement. Nous y assistons au développé de chaque concept que G. Deleuze entreprend de faire vivre "devant nous", avec un différé de 45 ans ! C'est un art très abouti du développement conceptuel dont il fait montre dans les cours. Quel extraordinaire pédagogue vulgarisateur il a été !
Quand je m'immerge de la sorte dans deux flux de pensées qui s'entremêlent de façon explicite grâce aux renvois de D. Lapoujade, le temps file inassouvi, accompli au-delà du dicible même. Il s'agit d'appairer la lecture d'un écrit et d'une transcription de cours oraux sur ce même écrit. L'appareillage en notes de bas de page s'apprécie dans cet exemple: « p.63 Voir Mille plateaux (MP, 194, note 8 qui renvoie au livre de Robert Van Gülik, La vie sexuelle dans la Chine ancienne, trad. L. Evrard, 1971 (rééd. "Tel" 1977) » relève d'une perfection maitrisée des autres ouvrages de de G. Deleuze par D. Lapoujade; cela constitue une aide tellement précieuse pour nous permettre de tirer un profit optimisé de la version écrite des cours oraux auxquels nous n'avons pas pu assister. L'ubiquité à la fois temporelle & géographique constitue une utopie, genre dure à cuire ! Le va-et-vient qui s'exécute entre ces deux compagnons approfondit ma compréhension des concepts peaufinés par Gilles Deleuze.
J'ai beaucoup écouté les cours de Deleuze sur Spinoza. Ma préférence va pourtant à la lecture parce qu'elle est plus rapide d'une part, mais aussi parce qu'elle permet les marches arrières, les reprises, les évitements, les réflexions tout en suçant son crayon, etc.